Jingle Hells (track five) (and well, this is the end)

Publié le par Jeanne-A Debats

Jingle Hells (track five) (and well, this is the end)

Karl ressurgit sur ces entrefaites. Il avait les yeux rouges et il haletait. Il puait aussi, une véritable infection qui se rajoutait aux remugles d’hémoglobine et de fèces.

- Ouais, je l’ai vu aussi, ce putain de film. On peut mettre une clone en cloques, vous croyez ?
- Une clone en cloques !

Kévin se marrait carrément, mais le torse jaillit à son tour et lui coupa le sifflet. Alphonse se mit à genoux les mains en coupe pour récupérer l’enfant avant qu’il touche le tissu infâme du matelas. Le clocher commença à égrener minuit. Un coup. On vit le sternum. Trois coups. Le haut du ventre. Six coups. Il y eut une pause. Neuf coups. La fille se mit à hurler, je ne pouvais rien pour elle. Dix coups. Les hanches tentèrent de passer. Onze coups. Le hurlement se mua en rugissement d’agonie. Douze coups. Alphonse réceptionnait le gamin.

Juste dans les temps.

- C’est un garçon, annonça-t-il à la mère qui ne réagit pas.

Elle ferma seulement les paupières. Définitivement. Et sous leurs yeux exorbités, son corps commença à se désagréger. En douceur, d’abord, puis de plus en plus vite, avant de disparaître tout à fait dans un nuage de poussière noire.

Je n’aime pas laisser de traces inutiles, même quand ce ne sont pas les miennes. Et consolez-vous, elle n’était pas tout à fait humaine. Ni même autre chose.

Les quatre hommes poussèrent un soupir. Comme s’ils hésitaient à respirer.

- Il s’est passé quoi, là ? tempêta Alphonse. Personne accouche aussi vite que ça !

La situation lui avait totalement échappé à un moment donné et il avait horreur de ça. Ça lui rappelait de mauvais souvenirs, aurait-on dit. À côté de lui, Kévin soupira à nouveau avant de répondre :

- Une clone, dit-il lentement. Pi, z’avez entendu l’heure ? L’est minuit, pile. Une clone, c’est pas vierge, normalement ?
- C’est de StarWar que tu causais tout à l’heure ? demanda Kamel dépassé.
- Pas StarWar, bordel d’arabe à la con ! La bible ! rétorqua l’autre, indigné.
- Tu sais où tu peux te la foutre ta putain de bible ?

Alphonse qui intervint avec une tranquillité pédagogique qu’il était loin de ressentir :

- Ouais, j’aimerai bien savoir où ton pote (Tout en parlant, il nettoyait le nouveau-né avec ce qui restait d’eau tiède.) peut se carrer un des premiers livres saints de l’Islam…

Les deux autres gloussèrent bêtement.
Moi aussi.

Kamel, mouché, se tut et parut plongé dans des abimes de perplexité. Alphonse n’insista pas, secoua la tête avec une pitié consternée et se contenta d’ajouter :

- J’ignore ce qu’ils magouillent dans ce centre, mais je vous conseille de vous en tenir le plus éloignés possible.

Je trouvais l’instant particulièrement bien choisi pour provoquer une autre étincelle dans les circuits de la chaudière du bâtiment dont il était question. Il n’y avait pas que mes quatre séides involontaires que je voulais tenir dans l’ignorance. Les nouveaux proprios de la maternité, une branche techno d’une secte particulièrement démente, n’avaient aucun besoin d’apprendre que j’avais repris un de leurs plans ultra-secrets à mon compte. Au vu de leur réaction, on va dire excessive, lorsque la clone leur avait échappé, ils étaient capable de faire pareil pour mon nouveau projet qui, pour l’heure, vagissait au creux des bras d’Alphonse, ce dernier l’ayant emmailloté à regret dans son perfecto.

- Oui, m’sieur, murmurèrent les trois abrutis en chœur.

Pendant ce temps, le feu se propageait dans la cave du centre et avant la fin de la nuit, il n’en resterait que des parpaings noircis.

- ‘Trouvez pas qu’il est plus gros que tout à l’heure ? demanda soudain Karl, qui les yeux plissés, scrutait le bébé.
- Il a même beaucoup plus de tifs, j’ai l’impression… hésita Kamel.

Alphonse déposa l’enfant en hâte sur le matelas déserté et le considéra avec inquiétude. Pas de doute, il grandissait à vue d’œil. Ses petits membres se tordaient mollement sur le coton passé et s’allongeaient comme des tentacules roses.

- C’est pas normal ! couina Kévin.
- Non, tu crois ?

C’était Kamel qui, toujours vexé par le coup de la bible, en profitait pour reprendre l’ascendant sur ses potes.

- On se tire ! Ça sent vraiment mauvais maintenant ! continua-t-il.

Et avant qu’Alphonse ait pu articuler un mot, les « K » s’enfuirent sans demander leur reste, le laissant seul avec l’enfant qui continuait de grandir, grandir, grandir...

- Et merde ! jura Alphonse pour lui-même.

J’eus pitié de lui et stoppai momentanément la croissance à trois ans à peu près. Je décidai de faire ça la nuit, désormais. Genre, cinq mois par semaine. Le marmot s’agenouilla maladroitement pour tendre ses bras potelés vers le vieil homme. J’en rajoutai une louche sur la chair de poule et les frissons, Alphonse ne put résister et prit le petit garçon contre lui.

- Qu’est-ce que je vais raconter à Déborah, t’as une idée ? grogna-t-il à l’adresse du garçonnet qui lui sourit sans répondre.

Les cloches sonnèrent la demie de minuit, les yeux du bambin luisirent brièvement d’un éclat rubis que je connaissais bien pour le croiser tous les jours dans le miroir. Alphonse soupira et carra ses vieilles épaules en se redressant. Allons, c’était le jour de Noël ! Ce jour-là, moins encore que les autres, on n’abandonne pas les orphelins dans les poubelles.

D’où qu’ils viennent.
Et ça m’arrange.

Ne vous inquiétez pas, il sera adulte et en possession tous ses pouvoirs d’ici décembre prochain.

Joyeux réveillon 2012 !

Publié dans Nouvelles

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C
Je suis curieuse de savoir ce qui se passera en décembre 2013 ^^
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J
ah ben ça, c'est raconté dans "eschatologie du Vampire" dans l'antho "elfes et assassins' des Imaginales 2013^^