Ayerdhal
«Il est arrivé un matin, au petit matin, le cinquième jour de la fermentation, quand le miel prend sa première amertume. C'était l'année où le Prince adouba son ainé, l'année où il lui confia la ville pendant qu'il guerroyait pour son Roi sur d'autres rivages. Il est arrivé avec le vent de mer, un havresac au bout du bras droit, le chat sur l'épaule gauche.»
L’an dernier, j’avais prêté Parleur, MON Parleur, à deux de mes élèves. Celui où tu me disais qu’en latin comme en fortran, nous deux, partagions cette étrange capacité à dire non. Elles en étaient sorties comme moi, jadis, transformées. L’une d’entre elles regrettant que Karel soit seulement un personnage de fiction, sa camarade lui avait répondu qu’il existait, que c’était toi. J’ai pensé à l’arrivée de Karel sur le Causse et j’ai ri tendrement, à vous trois, mes deux élèves et toi, parce qu’elle avait raison ma gamine.
J’ai ri tendrement, parce que le rire et la tendresse n’étaient jamais loin de tes révoltes et de tes indignations. J’ai ri parce que j’avais transmis le flambeau que tu m’avais donné avec ce livre, à moi comme à tant d’autres.
Yal, tu es parti ce matin, l’hiver prend son élan sur un tapis de soleil doux. C’est l’année où nous avons perdu déjà tant de monde que je me fiche bien de ce que font les rois, mais tu es sûrement parti avec un chat sur l’épaule.
Il est une photo où nous sommes tous les trois au premier plan. Toi, lui et moi, tout embrassés. Dans notre dos, un mur d’amour, celui de nos amis, et surtout celui de Sara. Tu t’en servais comme bannière sur ton mur Facebook, j’aimais la voir apparaître quand tu avais une gueulante à pousser. Souvent. Je me retrouvais face à nos trois sourires. Celui de Rô qui m’arrachait un peu les tripes, le tien qui me réconfortait.
Hasta siempre, Yal, je te promets de continuer à me réchauffer à ton sourire.