C'est beau, un vampire, la nuit...
Bon trois fois n’est pas coutume, mais je vais me faire un bouquin par le travers et je vous prie de croire que c’est l’âme chagrine, le cœur serré et l’œil en berne.
Dieu sait que j’aime la bit-litt normalement, certains de mes meilleurs amis en écrivent voire en éditent, sans oublier ceux qui en traduisent ou se contentent de me refiler leurs bouquins, je ne parle même pas de mes émois de quinqua devant certain torse poil arboré sans vergogne et à longueur de série par un blondinet ravissant quoiqu’affligé d’un mauvais goût perturbant en matière de greluches, mais alors là je dis stop !
Halte-là.
Ne parlons pas de la couv' que je ne vous montrerai pas, il y a des limites à ce que peux inviter sur mon blog, et bon, ça, ce n'est pas la faute de l'auteure; en outre, selon moi, le flacon n'a d'importance que si l'ivresse est réussie. Cela dit, je suis d'une génération à qui on vendait Philip Kindred Dieu avec des gros seins et des lézards en couverture, comme le faisait remarquer Jean-Pierre Dionnet samedi soir sur France culture. Aussi ne suis-je pas bien sûre d'être bon juge en la matière.
Or donc « C’est Beau Un Vampire, La Nuit. » tente de nous raconter l’histoire d’un pauvre vampire new yorkais (on se demande qui, malgré toute la tendresse désabusée que je lui porte, a pu avoir envie de transformer Woody Allen et de se retrouver coincé avec lui pour l’éternité) hanté par l’image de Manhattan et surtout le coucher de soleil sur Manhattan vu du banc de Annie Hall (je caricature à peine, même si le narrateur insiste lourdement au cas où on n’aurait pas saisit l’allusion*). Parallèlement, il rencontre une jeune fille qui pourrait bien être son amour « perdu dans le temps » (Pouf pouf) et la danse d’amour et de mort s’ouvre devant le pont de Brooklyn, narrée par une voix off qui lorgne du côté de « Vous Allez Rencontrer Un Bel et Sombre Inconnu » mais ne parvient jamais à dépasser le niveau d’ironie glacée et sophistiquée que l’on peut rencontrer dans les meilleures pages de la Redoute.
Et du coup, l’ennui c’est qu’on y croit pas une seconde, malgré les efforts désespérés de l’auteure** pour nous démontrer qu’il est tout à fait naturel (et rigolo) pour un juif pratiquant américain d’être un vampire ; les quelques pages consacrées au « gibier casher » et à la névrose obsessionnelle du héros sont d’un ridicule achevé, sans compter les parallèles involontaires avec Dexter qui surgissent à tout bout de champ.
C’est navrant.
De plus, le livre ne manque pas de tomber***, et même s'écraser, canines en avant, dans les travers les plus évidents de la bit-litt, c'est-à-dire que la « pure jeune fille palpitante » se jette au paf du héros à peine la trentième page passée et j’ai beau être assez délurée comme garce, apprécier une bonne scène de fesses de temps en temps comme tout le monde, il y a des limites que je franchis en frémissant en littérature : celles du vraisemblable. Pardonnez-moi, mais j’ai du mal à penser qu’un grand amour commence par une pipe dans un coin sombre, mais je suis peut-être vieux jeu et mon univers perso pas assez dark, j’en conviens aisément.
Du côté de la traduction, il y aurait à dire également et je ne vais pas m’en priver. Je ne comprends pas bien comment on est passé de « The Vamps wears Mac Douglas » à ce titre parfaitement débile qui tente (peut-être) d’évoquer Richard Borhinger****, par ailleurs le prochain traducteur qui me fait le coup de nitrogène recevra mes tueurs à gages, sans frais et sans sommation. Ce n’est pas parce qu’on traduit de la littérature légère qu’on a le droit de faire n’importe quoi.
Nous dirons un mot du style, qui, alerte, acerbe, amer (AAAhrg), se résout en phrases courtes qui se voudraient incisives ***** et ne sont que plates et sans saveur, dignes des pires moments de déprime de Marguerite Duras, qui elle au moins avait des excuses et des cols roulés.
En ces temps où la bit-litt triomphe toutes catégories confondues de l’Imaginaire, j’estime que l’éditeur****** aurait pu acheter moins cher au moins une cinquantaine d’autres livres, mille fois mieux branlés******* plutôt que ce redoutable poulet ; mon seul indice pour expliquer cette erreur consternante réside en ce que l’auteure et lui semblent fort bien se connaître…
Ah, le copinage*********, mal compris…
*soupir*
* Et l’alibi culturel.
** Que nous ne nommerons pas afin de ne pas tenter les pervers. J’ai même hésité à vous donner le titre, c’est dire.
*** à genoux, forcément.
**** Qui fait malgré tout un vampire plus crédible que Woody Allen, convenons-en.
***** C’est bien normal.
****** Que nous ne nommerons pas afin de ne pas leur rapporter le moindre centime.
******* Et je pèse mes mots.********
******** Environ trois fois par semaine, comme dit précédemment.
********* Le vrai, le bon copinage, eut été de dire « Ma chérie, le macramé me semble une solution honorable pour toi comme pour l’Humanité. »