Fendragon de Barbara Hambly
Barbary Hambly n’est pas morte et c’est tant mieux !
Na !
Née en 1951, elle a connu bien des avatars, d’écrivain à professeur de karaté en passant par mannequin et vendeuse d’alcools chics. Elle a étudié un peu partout et fort loin de sa Californie natale, jusqu’à chez nous à l’université de Bordeaux. Troisième femme à s'asseoir sur le siège présidentiel de l’association Science Fiction and Fantasy Writers of America* (après Marta Randall et Jane Yolen) elle est la première auteur de fantasy à occuper ce poste, actuellement tenu par John Scalzi.
Femme de goût, elle épousa George Alec Effinger**.
La série dont Fendragon est le premier tome n’a jamais été traduite en France. C’est bien triste.
La Jenny de Fendragon, elle, vit dans le péché avec John, le seigneur du coin parce que dans le triste pays de mornes bouseux dont ils sont originaires, ils sont les seuls à pouvoir se comprendre l’un l’autre ; déjà, ils sont les seuls à savoir lire.
John l’érudit compulsif qui tente de retrouver le savoir dans les manuscrits conservés de la chute d’un antique empire et Jenny la sorcière frustrée qui sait que l’art se nourrit de l’art et qui doit composer entre sa vie de femme, de mère et cette magie qui est toute sa vie à elle.
Jenny trimballe sa culpabilité de préférer l’une à tous les autres, c'est-à-dire la magie au compagnon et aux enfants qu’il lui a demandés.
Parce que jamais elle n’a voulu d’enfant, elle.***
John trimballe sa culpabilité de l’avoir clouée au sol près de lui quand elle pouvait voler.
Ils ont trouvé un modus vivendi mais ce statu quo ronge la jeune femme qui se sent de plus en plus portée vers la magie. Elle aime les siens mais elle veut être elle-même. John la regarde tristement mais sans rancune s’éloigner des enfants et lui un peu plus chaque jour.
Lorsque Gareth, prince dégingandé, idéaliste et maladroit, vient demander leur aide pour chasser le dragon qui ravage le sud du royaume…
C’est un conte de fées (le dragon, la méchante marâtre), un roman de fantasy (le guerrier mutique) une parodie (le guerrier mutique porte des lunettes et lit les manuscrits de cuistres improbables datant des temps antiques, les nains sont dans les mines et le dragon dort sur une pile d’or addictif), une histoire d’amour avec un trio infernal (Jenny, John, le dragon, sisi, un trio infernal zoophile) une étude sociologique (perso, je me retrouve tout à fait dans la superwoman banale qui jongle avec les priorités de tout le monde en râlant pour creuser une petite place pour les siennes et qui est tous les jours confrontée à la tentation d’envoyer paître toutes ces sangsues et de vivre enfin SA VIE).
Ce qui peut sembler répétitif à certaines^^ (cf Sybille Marchetto, ici ) n’est que la tension même du roman, hors du sujet apparent (vaincront-ils la marâtre ?).
Quant au style, je n’ai jamais été bien fan des traductions du regretté Demuth, je l’avoue, la VO est tout de même bien plus flamboyante et les morceaux de bravoure (descriptions aussi emperlées de joyaux que boueuses d’ichors de toutes sortes suivant les circonstances), sont une vraie jouissance pour la baroque que je suis. Et paradoxalement, entre ces orgies descriptives et les préoccupations on ne peut plus terre à terre des personnages, il naît une petite musique qu’il est difficile d’oublier, car c’est comme un refrain de vraie vie sur une ligne mélodique onctueuse (règle élémentaire n°3) (J’me comprends).******
Ce roman n’est pas un GRAND roman, ce roman n’est pas un roman ULTIME, on ne crie pas AU GÉNIE******* à la lecture. Mais on le garde sur une étagère pour toujours et de temps en temps, on le relit en souriant tendrement.
C’est déjà énorme.
* Comme je trouve que ce mois d’Août est assez mou, je propose qu’on en fonde une de ce genre ( l’association des Auteurs de SFFFF ou AAdSFFF, genre on la surnommerait azedeffe^^) ça nous ferait de quoi nous battre sur un nouveau sujet, les marronniers usuels n’étant plus de la première fraîcheur.
** Mortel auteur, hélas, de Gravité à la Manque.
*** Je vous jure qu’à l’époque du roman ce genre de position est encore assez révolutionnaire pour une nana, et que celles qui revendiquent le choix de ne pas en faire s’en mangent plein les narines, et même maintenant, mes copines bréhaignes**** m’affirment que ce n’est pas si facile *****
**** Terme antique gascon (bon pas forcément positif, je l’avoue) pour désigner une femme qui n’a pas d’enfants.
***** Pardon
****** Voir ici, la règle n° 3 et merci à Soslan chou de m'avoir indiqué cet article
******* Je vais vous faire une confidence: depuis quelques mois, les génies m’emmerdent de toutes façons.
µ ( Note pour mes lecteurs : si quelqu'un sait comment insérer un lien valide dans overblog, je lui offre un pot à la prochaine convention du Village des Fous. Je piétine le système comme un éléphant depuis trois jours et je ne trouve RIEN! Argh.) µ'
µ' et un grand merci à Cachou qui a gagné une tournée de bière :)