Les commentaires, c'est le MAL !
Mes sœurs, mes frères (et mes petits cousins à peine descendus du figuier) sachez-le, colportez-le, clamez-le à qui voudra l’entendre :
le commentaire sent le pâté, des pieds et du culcul, ravalant l’Homme et la Femme au rang de la bête, tout en tachant l’ourlet de leur robe du soir pixellisée entièrement réalisée en vraies disquettes trois virgule cinq pouces !!
Quel homme ou quelle femme postmoderne, sain (ne) de corps et d’esprit, et droit (e) dans ses bottes antigravité après la lecture d’un article polémique* a-t-il (elle) vertueusement pensé « Non, je ne lirai pas les commentaires de ce p… d’article » ?
Et pourtant, pourtant…
C’est là que l’homme et la femme postmodernes se prennent en full frontal juste entre les deux yeux que le fait de posséder un PC** et un accès illimité via un modem ou une box tirant à deux cent teragigaoctets/seconde :
a) ne les distingue en rien d’une bonne partie de la planète
b) ne les met pas hors de portée des barbares car CEUX-CI SONT TOUJOURS LÀ !!
c) ne les a pas transportés miraculeusement dans un univers idyllique où tout le monde s’intéresse passionnément aux mêmes choses qu’eux, avec le même détachement policé, le même flegme apparent qui empêchent l’homme et la femme postmoderne de se saisir d’une hache à double tranchant afin de – je cite – « faire entrer quelque chose dans ce crâne de noob ».
Le WorldWildeWeb (entre autres effets pervers***) cloisonne l’homme et la femme postmodernes dans une nano partie du Village Mondial en les berçant dans la doucereuse illusion selon laquelle tout ce qu’ils aiment, lisent, fréquentent est au cœur des préoccupations de la planète entière.
C’est sidérant.
Visible/lisible par tous mais vue/lue par personne, telle est la réalité cachée du nano monde dans lequel l’homme et la femme postmodernes se sont enkystés, souris diabétiques au cœur d’un fromage au nutella. Pourtant l’homme et la femme postmoderne pourraient cependant aller, joyeux dans leurs beaux costumes de pompistes de l’espace, gavés jusqu’au thalamus du doux léthé trompeur de la certitude biaisée et scotchée à côté du velcro.
Ils pourraient, mais parfois c’est l’accident.
Bête, brutal.
La conjonction déplorable qui permet à l’epic fail warrior of stupid thougts du net de croiser la route de l’homme et la femme postmodernes et les replonge sans transition, tremblants, dans le bain glacé de la Réalité Ultime****** :
Non, le Net n’a pas fait de la posthumanité, une généralité universelle ; l’Homme (et la Femme) postmoderne n’est pas bon (ne), libre et égal (e) en droits avec sa femme de chambre, son percepteur, son concierge.
Et le pire à craindre du voisin n’est PAS de recevoir des spams oscillant entre lolcats et viagra.
Car ils sont là, tous, dissimulés prêts à bondir, souples et agiles comme des tigres, tels les tiques sur le pauvre chien shampouiné de frais, sur la moindre possibilité de laisser leur avis. Ceux dont la pensée approximative réclame le rétablissement de la peine de mort à la moindre occasion, ceux qui brament après le retour des colonies pénitentiaires pour enfants, la castration pour tout et n’importe quoi de n’importe qui, le fichage génétique des profs, la pendaison de DSK par l’objet du délit, le retrait pur et simple de ses droits civiques à quiconque ne surfe pas dans les clous.
L’Homme et la Femme postmodernes se penchent alors, nauséeux, sur ce déferlement d’ordures, d’injures, de menaces de mort et de mauvaise foi que sont les commentaires ; il arrive même qu’ils s’y noient, de désespoir, et de dégoût d’eux-mêmes, incapables de se soustraire qu’ils sont à la fascination morbide qu’exercent les commentaires sur leur fragile psyché, secouée telle le roseau au cœur du typhon.
Parfois, ils parviennent à sortir brièvement la tête du mælstrom qui les emporte, mais il est bien trop tard, hélas, l’enfer de la drogue étend sur eux ses griffes vénéneuses******* et les enfonce plus profond, toujours plus profond. Alors, l’on lit sur les réseaux sociaux étendus les statuts désespérés ces pauvres gens submergés par une horreur indicible :
« Au secours, j’ai lu les commentaires du Figaro ! »
Et leurs amis de détourner le regard avec compassion du spectacle affligeant de leurs yeux hagards et hantés, bien que certains, plus courageux que d’autres, tentent en vain de renouer le dialogue avec la victime, en postant sur son mur des intégrales ravissantes, des images charmantes de poneys roses et de fraises tagada se saluant dans un klingon impeccable, voire un laadan fluent.
Mais ils savent. Et s’en vont tristement décrocher la combi noire en latex qui servira bientôt lors de l’immolation par le feu du malheureux (de la malheureuse) que la dépression conduira certainement au suicide dans les jours qui viendront.
C'est pourquoi je le dis, le braille, le tagge en rouge et en trois langues :
LE COMMENTAIRE NE PASSERA PAS !
Aussi, vous prie-je, chers lecteurs, lectrices, mes semblables, mes frères, mes soeurs, par respect envers ces victimes d’un monde cruel et afin de saluer leur martyre, d’observer un silence prudent et de ne surtout pas commenter ce billet.********
* Ou juste pas polémique, genre ici
** Ou un mac, ne commencez pas !!
*** Briser des familles, favoriser l’exclusion sociale ****, pousser les gens au suicide (la preuve), les ados à la drogue, au sexe, au rock and roll et à l’enfer du jeu en ligne, écarter les femmes de leurs devoirs, les hommes de leur tiercé et pire encore que tout cela : encourager le piratage culturel des œuvres complètes de Beigbeder*****
**** Notez qu’exclure socialement un geek ou un noob relève un poil du pléonasme.
***** See what I mean ? See what I mean ?
****** Jusque-là ils étaient plongés dans les ténèbres moelleuses de la Réalité Restreinte.
******* Plus désaccordée comme métaphore, tu meurs !
******** Ou alors demain.