Manque d'R
Personne n'est jamais personne, j'ai horreur de cette formulation.^^
Donc ce que tu dis, c'est que sans discuter à tu et à toi avec les gens, tu les lis et les regarde se battre. (Ce dont je me doutais parce que l'article auquel tu as fait référence au début, fallait quand même le trouver^^.)
Bien. Poursuivons.
Tu parles "orientation critique" donnée par qui s'il te plait ? Le journal Bifrost rêve d'avoir 700 abonnés (700 ! o_o C’est à peine un peu plus que deux fois les Thermopyles !) (Mais non, j’ai pas traité la rédaction de Bifrost de pédales, mais non !), et c'est notre journal le plus pointu, le plus lu et le mieux fait (Et Arioch sait que j'en pense des choses !).
Le lectorat dans sa grande majorité se tamponne des arrêts critiques de Bifrost. Ensuite, tu vas trouver des chroniqueurs (internet) plus ou moins non affiliés, plus ou moins blogueurs, qui, une fois de plus, touchent un nano monde au coeur d'un micromonde. Ce ne sont pas eux qui « font et défont » les écrivains de SF en France :
un succès d’estime fandomique ne fait pas un succès en librairie, ça se saurait, et l’inverse est, également, ô combien vrai.
Parce que la vérité, c'est ça : c'est que non seulement le fandom est MINUSCULE, mais en plus il ne fait que se parler à lui-même. Nous sommes des têtards dans un marigot, en guerre larvée pour un nénuphar.
Ce qui est d'autant plus ridicule que puisque nous sommes si peu nombreux il y a largement la place pour tout le fandom sur la moitié de la feuille^^.
La majorité des lecteurs connaissent vaguement le nom des auteurs qu'ils lisent, mais ils ignorent totalement qu'un discours "critique" s’écrit dessus. (C’était mon cas, il y a deux mille ans) D’ailleurs, le sauraient-ils qu'ils s'en tamponneraient pareil (C’est toujours mon cas : je ne lis que ce que j’ai envie de lire point barre. Et l’envie ce ne sont jamais les critiques qui me la donnent ; tout au plus, vais-je confronter mes avis avec les leurs, ENSUITE. Le seul truc que je regarde vraiment dans un magasine, ce sont les catalogues de parutions prévues.).
Ils ont bien raison de s’en tamponner, les lecteurs, d’ailleurs, parce que la grille d’analyse du discours critique sur la SF est loin d’être posée. Pour l’instant, ce sont des amateurs qui prennent en charge. Et par Thor et Zeus, ça se sent l’amateurisme ! Même chez les plus doués de la génération actuelle. Lorsque ces critiques parlent de style justement, je frémis : à la louche je dirais qu’ils sont 1/9 à savoir de quoi ils causent et à posséder les bases littéraires nécessaires pour pouvoir seulement prétendre à ce type d’analyse.
Si je fonde beaucoup d’espoir dans la création de sites universitaires du type Res Futurae pour pallier ce vide criant, si certains chroniqueurs de génération SF ou KWS (ou de Bifrost même) peuvent prétendre au niveau requis, pour l’instant, les critiques sur le style pour la plupart, ça donne surtout :
a) c’est bien écrit, style fluide : traduction « J’ai lu facilement. »
b) c’est SUPER bien écrit, style orné : traduction « Le type emploie des figures de style ou des mots dont j’ai pas saisi le quart mais j’ai bien compris qu’il le faisait exprès, alors même si c’était un peu difficile par moment, j’ai été bluffé. ».
c) c’est mal écrit : traduction « J’ai eu du mal à lire, mais je serais infoutu de vous expliquer pourquoi »
d) c’est super mal écrit : traduction « Je fais une critique du dernier BW. »
Ainsi, contrairement à ce qu’il m’arrive de ricaner, certes le style ça existe, je suis même à peu près sûre d’en avoir un moi-même, mais je préfèrerais largeos que nos critiques lâchent le style plutôt que continuer à raconter n’importe quoi et confondre leur ressenti de lecteur avec une véritable analyse littéraire.
Un écrivain tels que ceux que j'épingle pourrait tout à fait jusqu'à ignorer les critiques du fandom, puisqu'aussi bien, ce n'est pas lui qui achète la majorité de son tirage (Oui, j’exagère un chouïa avec cette histoire de « collègues pas rancuniers », reste que lors des soirées de lancement, faut se bousculer entre auteurs pour trouver UN lecteur, base, sans prétention critique ou littéraire. Et si en plus on veut qu’il n’appartienne pas au fandom, à ce stade, c’est la quête du graal !^^).
Alors manquer d’espace parce que ces gens-là, ou d’ailleurs d’autres acteurs de Lilliput ont dit ceci ou cela ? Et partir en se drapant sur l’air de la marche funèbre ? Rien qu’une pose, comme tu dis, une pose de dandy, qui me les broute menu à force, surtout quand elle fait publiquement profession de me mépriser, ou mépriser mes potes.
Par définition, le mépris, ça me gonfle.
Tout le monde ou presque d’ailleurs, fait profession de mépriser le fandom, de s'en plaindre, c'est une pose à la mode. Ben, pas moi. En fait, j'adore le fandom malgré les (ou à cause des*) personnalités avec lesquelles je m'entends plus ou moins (ou pas du tout).
Évidemment, oui, ces maniaques vont te tomber dessus si tu réemploies une idée utilisée par John de la Hure en 1912 dans les aventures de Hauwel le lampiste (Et encore, pas sûr... perso, j’ai la référence allègre et sans complexe, personne n’est jamais venu me chercher des poux là-dessus, sauf… Bifrost^^ et si ça m’a énervée pas mal, ce n’est pas ça qui me fera partir en jetant l’ET avec l’eau de Dune**).
Mais on s’en fout, non ? Ce qui compte c’est d’être lu ; et quand on fait partie du fandom, de discuter avec d’autres malades mentaux qui ont lu l’intégrale de John Carter et viennent avec toi profiter du meilleur disney du siècle*** en jouant avec les lunettes 3-D.
Parce que faire partie du fandom, c’est avoir à portée de mains, d'yeux et d’oreilles une masse d’informations incroyable sur l’histoire du genre, un multivers de connaissances inouïes sur ses auteurs, une université galactique où toutes les disciplines sont représentées (De la physique de la matière condensée à la sémiotique en passant par la théologie et l’art du tissage artisanal ou du vernis à ongles pailleté) une bibliothèque de möbius éparpillée un peu partout en France mais dont il suffit d’éplucher les catalogues pour trouver absolument ce que l’on veut, un café virtuel et infini où les brèves de comptoir sont dites en klingon et les aperos servis en haut-nain ou en laadan, où parfois bourré, un ingénu fou d'espoir tente de te faire comprendre pourquoi les neutrinos ne vont pas plus vite que la lumière, t'explique comment faire en sorte que la tension de surface du l'eau n'empêche pas le café de se mélanger et où aller pour trouver la dernière édition de la guerre des méduses parue en 1852. Le fandom, c’est un puits de sciences foutraques et désordonnées où l’on puise sans fin le savoir, le rire et le SOW.
Quant à la liberté d’écrire ou de penser ce que l’on veut, de la SF ou d’autre chose, c’est en soi qu’on la trouve, comme partout ailleurs. Il est ridicule de la demander au fandom.
*J'ai un faible pour les psychopathes, misery loves company.
** Ouais désolée, les mecs, aucune chance.^^
*** message subliminal : allez voir John Carter !!
PS: j'allais oublier le coup de l'exactitude scientifique : perso si on part sur ces critères, je crois que les deux tiers de mes bouquins filent à la benne direct sans passer par la case librairie.
Car si, lorsque je parle de baleines je sais à peu près ce que je dis, même si j'ai préféré me renseigner auprès de cétologues plutôt qu'auprès de Melville, si les blessures de mes héros ou leurs maladies ont souvent reçu le coup d'oeil expert de David Skurnick, médecin, si mes anomalies spatiales ont fait ricaner certains physiciens joyeux de ma connaissance, si, - donc - je tiens à user d'une certaine cohérence (dans l'espace personne ne vous entend péter), reste que la science doit à mon sens s'effacer devant la poésie et le propos, même dans le coeur dur de la SF selon Eric Picholle^^. Arrêter d'écrire parce qu'une infirmière ou un médecin vous a dit que cette scène-là où vous utilisez un IRM de travers est pas crédible, est tout aussi ridicule que la remarque. Si la SF, littérature du "pas de côté", est incapable de supporter la moindre entorse au réel, qu'elle s'occupe d'aller garder les moutons dans le Larzarc au lieu de causer du posthumain.