Mistinguette et les lance-roquettes

Publié le par Jeanne-A Debats

Jignore pourquoi mais de temps en temps, d’aucuns se piquent de clamer à grands envols de cape et mouvements de cheveux* qu’ils n’écriront plus de Science-Fiction,  un peu comme ils annonceraient qu’ils ont renoncé à Satan, à ses pompes, à fumer, ou à lire Strange en cachette de leur mère.

 J’avoue que j’en suis toute ébaubie à chaque fois. Il semblerait qu’on ne puisse quitter la SF sans en faire un drame, en cinq actes, avec intervention du Commandeur. Et surtout pas sans convoquer le ban et l’arrière-ban du fandom afin que celui-ci entérine le départ du traître consterné vers les Havres Blancs.**

La SF, on y entre donc par la petite porte, en envoyant son manuscrit au premier goyave éditeur venu mais on la quitte en traversant le portail d’entrée au landspeeder, secouant la crinière et espérant au passage faire s’écrouler les colonnes du Temple.

Je suppose que nous autres, malheureux insensés qui restons en arrière, sommes censés (du coup) sangloter éperdument et gémir entre deux crissements d’aéropneus :

–– Ne nous quitte pas ! On t’offrira des perles de plutonium 314 venues d’un pays qui n’irradie pas, on creusera Mars jusqu’après ta mort…

Des clous, je creuserai que dalle. Et mes colliers de plutonium 314, je me les garde : ils vont très bien avec mon teint hâve de geek posthumaine.

La SF n’amuse plus Toto ? Ça n’est pas grave, qu’il n’en dégoûte pas les autres. Et surtout, pitié, qu’il n’en fasse pas un manifeste littéraire***', c’est ridicule. Surtout quand il l’assortit de commentaires du genre :

 « D’ailleurs,  j’ai jamais lu que K. Dick** ** ! Les autres, je sais que c’est de la merde, j’ai pas besoin d’aller vérifier. »** ***.

Ériger l’ignorance en vertu c’est hallucinant, je dois l’avouer (et d’ailleurs, à ce stade je reprends généralement deux fois des frites, histoire de reprendre pied dans une réalité réaliste) surtout pour des gens à prétention vaguement littéraire et culturelle. Même mes élèves n’osent pas me la faire celle-là. Ou alors pas longtemps, vu que je leur apprends assez vite que la vanne tueuse, c’est également une question de culture et d’entraînement.

 C’est un peu comme s’il nous disait :

« Je viens enfin de comprendre qu’il n’y a pas de petits hommes verts dans La Recherche du Temps Perdu.*** ****»

Ou :

« Je suis grand, maintenant, je vais vous le prouver**** ****. »

Il a surtout compris qu’il ne ferait jamais son beurre avec.

Il était temps, remarquez ; et ça ne fait pas honneur à ses capacités de calcul algébrique.

(C’est ce stade de l’histoire où Léoporello/Sganarelle pelote fébrilement le marbre en bredouillant « Mes gages, mes gages ! » juste après le départ du Commandeur)

Sans compter que bien souvent, ce sont des adieux au music-hall dignes de ceux de Mistinguette : on y a droit tous les deux ans environ. Ça doit être cyclique. Un genre de dépression saisonnière sans doute liée à la réception de la note de DA**** *****. Le moindre type s’étant fait un nom**** *****’ si petit soit-il (ou si grand) en balançant de l’elfe (légèrement parodique et mâtiné d'un ton emprunté à Céline**** *****'', histoire de ne pas avoir l’air de se prendre au sérieux ni d’arborer un attachement sentimental regrettable au Seigneur des Anneaux de son enfance) croit qu’il est enfin prêt pour la téléportation chez les Vrais Écrivains, ceux qui ont le Goncourt et qu’on reçoit dans les salons sans les soupçonner d’avoir dealé leur accréditation à l’entrée auprès de patibulaires blousons noirs.

Il brame donc :

« Beam me up, Scotty ! ***** ***** ».

Alors là, SPLAOUSH ! le voilà transporté dans le grand bain ! Et ses yeux dessillés, quoique brûlants de chlore, comprennent enfin que dans le pédiluve SF, il n’était déjà pas grand-chose mais alors que dans ce bassin tout neuf, il n’est rien. Pas même un alevin. La SF, cette garce, lui colle à la peau comme un maillot trop étroit pour dissimuler une érection.

Évidemment, ça marche un coup sur trois, voire quarante-deux. Adoncques, le retour triomphal et à sons de trompes du veau prodigue donne lieu à de somptueuses séances de dédicaces où les collègues pas rancuniers viennent lui acheter son dernier opus à base de trolls SM.***** ***** *

Mais les Totos, faut que vous compreniez bien un truc : personne ne s’est traîné à vos genoux***** ***** ** pour que vous balanciez votre ego***** ***** *** en pleine poire du lecteur innocent. Ni la réalité, ni la SF ne vous doivent rien, surtout pas un succès international et des traductions en 42 langues. L’ambition c’est super joli, mais si ça doit vous rendre aigres et méprisants comme de vieilles dattes, je serais d’avis que vous arrêtiez tout là, maintenant, pour vous lancer dans des métiers plus satisfaisants moralement et financièrement tels que la vente d’armes ou toute autre prostitution de haut vol.

Sinon ça va finir par se voir énormément, que non, vous n’aimez pas  seulement la littérature et le silence.

 

 

 

 

 

* Copyrigth Anne Fakhouri

** Oui parce qu’en général, ils quittent la SF pour la littérature générale, la seule, la vraie, l’Unique. ***

*** Voir Anneau du même nom.

***' Au passage,  les considérations de Toto sur la poésie ou tout autre genre littéraire à la robe certes rapiécée, je suggère qu'il ne les utilise qu'en suppositoire, parce que ça va bien hein ? "Pessoa, Prévert, Aragon, viendez, je vous prendrai tous un par un" c'est limite, ça aussi.

** ** Autant dire Dieu.

** *** Essaye Ballard avant, quand même, tu aurais l’air moins cruche

*** **** J’aurais sans doute eu moins de mal à la lire si ç’avait été le cas : Marcel en train d’épier le baron de Charlus lutinant un martien, ça, ça aurait été fun !

**** **** C’est ça, bois ton lait maintenant.

**** ***** Évidemment, la Note de Droits d’Auteur, je capte que ça déprime un chouïa quand on s’aperçoit une fois encore que le yacht qu’on comptait s’offrir ne mouillera jamais plus loin ni plus profond que la baignoire du petit.

**** *****'' non pas Dion

**** *****’ Au moins en Bretagne et autres lieux découverts à marée basse.

***** ***** On notera la contradiction interne digne d’une faille spatio-temporelle entre deux univers.

***** ***** * Si les écrivains de SF ne s’entr’achetaient pas réciproquement leurs livres, on ne vendrait jamais que la moitié des tirages.

***** ***** ** Ni d’ailleurs aux miens

***** ***** *** Ni d’ailleurs le mien***** ***** ****

***** ***** **** Mais moi je geins pas.

Publié dans Fandom et Parpadelles

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A
<br /> Merde, je suis d'accord avec les trois dernières phrases...<br />
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R
<br /> Oh moi je ne suis personne de connu. Je ne suis même pas un pseudonyme connu, c'est dire à quel point mon identité est peu importante. Tout au plus, j'échange quelques propos râleurs ici et là.<br /> Donc, il n'y a pas vraiment de contexte, je suis probablement ce qui se fait de plus proche de l'observateur neutre sans affiliation : tout le monde m'agace pareil.<br /> <br /> <br /> Vous dites que la SF ce n'est pas ses acteurs. Je concèderai que ce n'est pas que ses acteurs. Mais l'orientation critique est donnée par des gens. Ce sont des gens qui décident que tel ou tel<br /> aspect est primordial. Par exemple, à lire certains, on pourrait croire que la SF en tant que genre est obsédée par l'exactitude scientifique, ce que, à mon avis, dément une quantité hallucinante<br /> d'ouvrages étiquetés SF. Ce sont également des gens qui décident, j'y reviens, qu'on peut être écrit avec les genoux et être un chef d'oeuvre. Ou qu'une écriture fabuleuse n'est pas une excuse à<br /> une idée convenue. Ce sont des gens qui décident que tel ou tel manuscrit méritent les honneurs du genre. Bref, ce sont des gens qui décident que ce qu'on écrit est de la bonne SF ou de la<br /> mauvaise SF. Et quand on claque la porte de la SF, il me semble qu'on claque en fait la porte au nez de tous ces gens. Je trouve la pose un peu ridicule, comme toute pose, mais je me dis aussi<br /> que le canon et ses zélateurs peuvent être fatigants.<br />
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J
<br /> Soyons tout à fait claire.<br /> <br /> <br /> ce que j'épingle ici plus qu'UN bonhomme, c'est en fait une certaine attitude de renard devant les raisins qui sont trop verts et de dandysme, parfois cuistre désolée, et perpétuellement<br /> contradictoire.<br /> <br /> <br /> ce post est donc le combo de PLUSIEURS ARTICLES et de PLUSIEURS bonhommes. Si je ne les cite pas, ce n'est d'ailleurs pas hypocrisie, pour quiconque du fandom, ils sont aisés à reconnaître et ils<br /> se reconnaîtront s'ils le souhaitent. Perso, j'ai peu de goût pour la crucifiction name droppée parce que je ne veux pas foutre le binze dans leur commerce, seulement faire savoir le fond de ma<br /> pensée puisqu'ils m'imposent la leur ici ou là quand je ne leur ai ni rien demandé, ni rien fait à la base.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Quant à toi R. j'avoue qu'il me manque ton identité pour contextualiser ton intervention et sans réclamer la désanonymisation", j'avoue que je suis curieuse de savoir à qui je parle.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ajoutons que "les acteurs du milieu" ça n'est pas la SF, la SF merci a assez à faire avec ses gros seins et ses gros lézards sans avoir à assumer en bloc tous les malades qui l'adorent.<br /> <br /> <br /> (malades dont je suis^^)<br />
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A
<br /> En outre (oui je l'ai faite), ce que l'auteur dit de la science fiction dans son article, en résumé, c'est qu'il n'y connait rien et que ceux qui en parlent sont chiants.<br /> <br /> <br /> Et que lui va écrire de la vraie science-fiction originale, en la revendiquant. Bref, qu'il s'énerve tout seul dans son coin en balançant des baffes, en demandant de l'air à des gens qui sont<br /> loin, et aussi en se réclamant de la zen attitude.<br /> <br /> <br /> Bon, je ne relève même pas le fait qu'avant de revendiquer quoi que ce soit sur un genre, il vaut mieux avoir écrit le livre et avoir un peu de distance, voire de retours.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br />
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A
<br /> Je crois que c'est une réponse à la combo de deux textes: un sur l'utilité du silence quand on aime vraiment la littérature, et un sur l'inutilité de faire de la SF quand on aime la littérature.<br />
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R
<br /> Je pense que nous ne parlons pas du même texte. J'imagine que c'est le problème avec l'allusif. Pourtant avec l'allusion à Dick, j'étais pas mal sur de mon coup.<br />
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A
<br /> Et puis c'est vrai qu'un auteur si proche du Bélial et autres doit être d'une grande ouverture d'esprit... Je rêve, quand je lis des trucs pareils!<br /> <br /> <br /> Quels acteurs majeurs? Qui vient chercher des noises à qui? Le (récent) passé a prouvé que le fait d'exister et d'émettre un avis était déjà un crime en soi, même - surtout - quand cet avis<br /> n'était pas dirigé contre ceux qui répliquent violemment.<br /> <br /> <br /> Bizarrement, ceux qui sont attaqués n'ont pas le droit de répondre. Ca marche visiblement dans un sens, et bien mal. Sinon, c'est de l'intimidation, hin? Voire du fascisme.<br /> <br /> <br /> Il ferait mieux, effectivement, de s'occuper de leurs livres, de leurs éditeurs, de leurs diffuseurs, de leurs lecteurs, au lieu de tenter la com' par le débinage. Que ce soit sous prétexe de<br /> vannes de potaches ou d'engagement littéraire.<br /> <br /> <br /> Bref, à aimer vraiment le silence. Le leur, pour commencer.<br />
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A
<br /> Euh, l'autre texte de l'auteur parlait de la misère sociale et affective de gens qui discutaient sur un forum, à la base.<br /> <br /> <br /> Et à priori, personne ne lui a jamais cherché de poux dans la tête. Donc il n'a pas manqué d'air (hé hé hé). Un peu facile.<br />
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R
<br /> Ouais en même temps, si on se rappelle du texte auquel on fait référence, l'auteur, à mon sens, réclamait surtout de l'air pour respirer. Parce que, sans viser personne bien entendu, ça doit être<br /> un peu lourd de se voir opposer systématiquement :<br /> <br /> <br /> - non mais l'idée centrale de ton texte a déjà été traitée en 1954 par Steve Wetterling, dans un récit d'une indigence navrante, mais désolé, pouf il a préséance, ton texte est donc d'un intérêt<br /> nul ;<br /> <br /> <br /> - non mais, il y a des incohérences scientifiques majeures, ça n'a non seulement aucun intérêt, mais en plus c'est nuisible, voire fasciste.<br /> <br /> <br /> Donc ouais, on peut comprendre, à un certain moment, que l'auteur envoie se faire foutre les acteurs majeurs de la SF française et leur système critique. Parce que ce n'est pas un genre qu'on<br /> rejette, ce sont les gens qui le représentent. Et qui ne se caractérisent pas toujours par leur ouverture d'esprit.<br /> <br /> <br /> Par exemple, je déplore à titre personnel que le style ne soit pas considéré comme un critère pertinent à évaluer dans le meilleur des cas, qu'il soit considéré comme la marque d'un poseur dans<br /> le pire.<br />
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A
<br /> Et ô combien ingénieuse...<br />
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T
<br /> Pourtant, l'esthétique du silence, ça a un petit coté métaphysique pas dégueulasse.<br />
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J
<br /> <br /> la métaphysique silencieuse ? c'est une invention  récente ?o_o<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Tout ce qu'on doit au silence, de fait, c'est de contenir son météorisme abdominal.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Alors, ce qu'on doit à la SF...<br /> <br /> <br /> (à part d'être potentiellement imbaisable pour 90% des gens)<br /> <br /> <br /> (Je parle pas de nous, hin)<br /> <br /> <br /> (tu penses!)<br /> <br /> <br /> (non, ne pense pas, en fait...)<br /> <br /> <br /> Hé hé!<br /> <br /> <br /> T'as remarqué?<br /> <br /> <br /> Les parenthèses sont la version lapidaire de la note de bas de page!<br /> <br /> <br /> Une lapidation moelleuse, certes.<br /> <br /> <br /> En outre, euh, non rien.<br /> <br /> <br /> J'aime bien mettre "en outre" après une phrase qui se termine par "certes".<br /> <br /> <br /> (J'aurais dû mettre ça entre parenthèses?)<br />
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J
<br /> <br /> (d'accord)<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Moi, récemment, j'ai bramé que plus JAMAIS PLUS JAMAIS NAN JAMAIS RAAH je ne boirai de margaritas jusqu'à vomir dans le lavabo (dans les toilettes, je trouve ça dégoûtant) (ne cherche pas)<br /> <br /> <br />  <br />
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J
<br /> <br /> Je ne cherche pas<br /> <br /> <br /> <br />