Vampires à Contre-Emploi : Simon Bréan
And now ladies and gentlemen
Simon Bréan!!!
1) Qui êtes-vous ?
Simon Bréan, chercheur en littérature s'intéressant en particulier à la science-fiction française.
2) Et pour vous la bit-lit , ça se mange ?
Je n'ai que très peu abordé cette catégorie d'invention récente, et qui recouvre des productions disparates. Même sans chercher à faire querelle au terme lui-même, je dois avouer que je n'ai plus guère approché des vampires depuis certaines fictions qui ont signifié pour moi le summum de ce que j'attendais de cette figure ancienne : en littérature, ce qui est pour moi la trilogie d'Anne Rice (je n'ai pas vu l'intérêt d'aller au-delà de La Reine des damnés) a satisfait mon désir de trouver une forme de cohérence sociologique pour les vampires (une histoire, une mystique, des coutumes et traditions...) au cinéma, Vampires de Carpenter m'a enfin montré de vrais chasseurs de vampires, et après Blade 2 j'ai eu mon content de superpouvoirs vampiriques ; dans le domaine du jeu de rôles, l'esprit de Vampire: la Mascarade, dans sa première version, me semble difficile à surpasser.
J'ai lu et fréquenté des fictions vampiriques depuis, mais plutôt comme on retrouve de vieux amis d'enfance.
3) Parlez-moi de votre nouvelle, comment l'avez-vous conçue ?
Une fois que j'ai compris que j'étais incapable d'écrire le texte parodique que j'avais envisagé, cette nouvelle a été conçue dans le plus grand respect pour la figure du vampire (ma dette à l'égard d'Anne Rice et de Vampire: la mascarade est évidente), .
Soucieux de trouver un angle justifiant le "contre-emploi" du titre de l'anthologie, je me suis demandé dans quelles conditions un vampire, ou des vampires, pouvaient devenir des héros, en évitant deux voies qui me paraissaient déjà explorées, la contrainte/le mercenariat (associés à un cynisme permettant de conserver au moins en parole la mauvaise réputation du vampire), et le malentendu (soit que le vampire agisse bien "par erreur", ou par pur opportunisme - et soit pris pour un héros - soit qu'en dépit de ses particularités vampiriques, il ait bon coeur).
Pour faire en sorte que mes vampires se montrent héroïques sans compromettre la version canonique (violent, assoiffé de sang, manipulateur...), j'ai donc envisagé un ennemi qui leur soit supérieur, et qui les place en situation d'alliance objective avec leurs proies habituelles (nous).
J'ai été aussi guidé par le souci de faire du récit un texte de science-fiction, sans la moindre ambiguïté. J'ai repris la logique suivie par Matheson en donnant à voir une sorte de réalité biologique du vampire, mais j'ai tenté de fonder cette réalité sur autre chose qu'un virus, ou tout autre facteur biologique, qui me paraît de nature justifier une infection telle que celle des zombies (qui correspond en fait au vampirisme de Matheson sur bien des points), mais pas la gamme particulière des facultés vampiriques.
De là , un réseau d'images s'est mis en place assez naturellement. Une expression latine est vite devenue la synthèse de tous ces aspects-là, et elle m'a inspiré le titre et la forme prise par plusieurs éléments importants. Au fond, je souhaitais examiner le vampire "sub specie aeternitatis", "en prenant le point de vue de l'éternité" (species m'a, on le devine, orienté vers speculum, le miroir).
4) Vos projets ?
J'ai plusieurs ambitions concurrentes. Il faudra d'abord déterminer leur compatibilité. D'ici-là, l'éternité attendra.