Bon, oui, Sylvie Lainé est une copine.
Et certes, elle est hyper vivante. Cependant, vous conviendrez que je ne me fends pas souvent d’une chronique à propos d’un auteur vivant, surtout proche. Quand on a décidé comme moi de ne causer en littérature [i] que de ce ou ceux qu’on aime, on est rapidement accusé de copinage ou de lâcheté. Surtout que les vivants courent vite.[ii]
Alors, la lâcheté d’accord.
Parfois d’aucun[iii], ajoutent l’hypocrisie à la liste, mais non, celui-là se goure, l’hypocrisie serait si je ne le disais pas à l’impétrant lorsqu’il me pose la question. Or je le fais. Lorsqu’on me demande, et qu’on me demande vraiment, [iv] il m’arrive en privé de dire tout le mal que je pense d’un bouquin. Simplement, j’estime que ce n’est pas à moi, auteur, de retirer si peu que ce soit la cuiller de soupe de la bouche d’un autre auteur, donc je la boucle… en public.
Par ailleurs, c’est tellement ennuyeux de chier sur un bouquin, tellement facile. La blague à deux balles, le jeu de mots qui tue, l’accusation perfide, le mensonge pur et simple mais invérifiable (les meilleurs) et le procès d’intention, la liste est infinie des petits artifices dégueus qui permettent de faire ricaner [v] son lecteur à peu de frais[vi]…
En revanche, dire du bien et rester haletant, c’est beaucoup plus difficile, et d’ailleurs c’est bien simple…[vii]
je n’essaierai même pas.
Disons-le net, j’ai tout lu Sylvie Lainé.[viii]
J’ai tout aimé. Il en est que j’ai adoré [ix] mais j’ai tout aimé.
Avant-hier, j’ai refermé l’Opéra de Shaya en soupirant, c’était déjà fini.
C’est le problème avec les nouvelles, c’est court. [x]
C’est court, mais quand c’est bien fait, c’est dense. C’est toujours très dense avec Sylvie Lainé. Simplicité, sobriété, densité, limpidité, de ces quatre mots, il est possible d’imaginer son style[xi] La petite Sylvie Lainé qui passait sa philo jadis devait avoir bien du mal à sortir plus d’une double page pour ses disserts, elle avait dit l’essentiel, l’essence, pourquoi rajouter du gras ? Bon, et au passage, elle devait bien se payer la tête de ses professeurs, mais n’anticipons pas…
J’avais déjà lu Petits Arrangements Intergalactiques dans l’anthologie Contrepoints. Qu’il vous suffise de savoir que c’est drôle et intelligent, du pur Lainé qui éclate de rire face aux feux du soleil[xii] et des entités roses[xiii].
Un Amour de Sable est une merveilleuse nouvelle pleine d’un humour tout en délicatesse, ces gens qui se baladent au bord du gouffre sans y penser, qui y échappent sans le savoir, c’est tout le splendide aveuglement de l’humanité.[xiv]
Je ne causerai pas non plus de Grenades au bord du Ciel qui parut précédemment dans Utopiales 2013 sauf pour dire que jusque-là je pensais qu’elle lui vaudrait au moins le Rosny voire le GPI cette année, sauf que, sauf que depuis…
Ben, il y a cette novella, là, l’Opéra de Shaya. Lisez L’Opéra de Shaya. Relisez l’Opéra de Shaya ! Apprenez-la par cœur pour la rentrée, y’aura contrôle !
Voici ce qu’en dit son éditeur :
« So-Ann, née dans un vaisseau spatial, a du mal à s’habituer aux coutumes étranges et contraignantes des mondes où se sont établis les humains. Alors quand elle entend parler de Shaya, cette planète où la faune et la flore sont en totale empathie avec ses visiteurs, elle n’hésite pas une seule seconde. Mais en vérité, qui s’adapte à qui ? Quels mystères se cachent dans ce monde qui semble idéal ? »
C’est juste la surface, bien sûr, une surface qui ressemble à un Deathworld inversé (ou pas), une surface qui possède des accents de Le Guin et de Mc Intyre. Qui aurait sans mal pu flirter avec Egan, vu le bagage de la dame et elle l'a fait quelques fois...
Mais...
c’est là que j’ai compris une chose d’elle, de Sylvie, toujours drôle, toujours simple, toujours lumineuse; ou qui passe, souriante à demi, de la lueur à l’étoile. Non, Sylvie Lainé, ça n’est pas simplement, une de nos meilleures novellistes française, voire LA meilleure, non.
Elle est, en toute transparence, la Ligne Claire de la science-fiction française.
L’Opéra de Shaya en est la coruscante[xv] preuve.
[i] Parce que pour le reste, je ne me prive pas.
[iii] Vi B’NB , c’est de toi que je cause mais pas méchamment, tu sais bien.
[iv] Ou qu’on m’emmerde, ça peut aussi
[v] D’ailleurs, j’adore le Blog de l’Odieux Connard.
[vi] Ou les merveilleux extraits, trempés dans le cyanure et la mauvaise foi, du courrier des lecteurs de Fiction dont Philippe Boulier nous abreuve malicieusement sur FB en ce moment. Il va le vendre son Bifrost Poul Anderson^^ !!
[vii] Huhu. Même pas honte.
[viii] Enfin tout ce qui est paru en recueil : le Miroir aux Esperluettes, Espaces Insécables, Marouflages et en prime les Yeux d’Elsa qu’elle m’envoya jadis avec le magazine dans lequel parut cette nouvelle.
[ix] Un signe de Setty, Une bulle d’Euze.
[x] En revanche, on peut faire durer un truisme, tant qu’on veut.
[xi] Et moi avec mes pampilles et ma joncaille, ça me bluffe total.
[xii] Je sais, je m’autocite, c’est MAL.
[xiii] En revanche, le rose, c’est BIEN.
[xiv] Et qui me rappelle, le nombre de fois où dans la vraie vie je tombe des nues parce que je n’avais même pas vu qu’il y avait un loup… Il ne m’a pas bouffée parce que je ne le regardais pas, c’est tout. Mon drame permanent.
[xv] Ben voui, là, smaragdin, c’était dur à replacer