Celle qui écrit...
Le questionnaire d' Eric Poindron :
Quels sont les premiers conseils à donner à celle qui écrit ?
Assied-toi et écris au lieu de parler d’écrire.
Faut-il accepter les conseils ?
Il ne faut jamais rien en art, mais on peut écouter.
Comment – et - peut-on concilier une carrière professionnelle et l’écriture ?
Oui, on peut. Mais sans doute que l’une des deux carrières devra céder à l’ambition de l’autre…
Celle qui écrit peut-elle « faire autrement » ?
Non.
Écrivez-vous à la main ou avec une « machine » – pourquoi ?
Au clavier. Parce que j’aime que les pages soient propres ; avant les bécanes, j’étais obligée de recopier sans cesse si j‘effectuais des corrections. Ça me prenait un temps fou.
Vous fixez-vous des horaires d’écriture ?
C’est la nature qui le fait : je peux écrire de 5h du matin à 12h, après c’est fini je n’ai plus de cerveau.
Est-ce que celle qui écrit doit commencer par la première phrase ?
Je préfère mais ce n’est pas systématique.
Écrivez-vous le jour ou la nuit ?
Entre les deux.
Celle qui écrit a-t-elle le droit de s’arranger avec sa conscience ?
Je n’arrête pas, l’arrangement le plus pratique étant l’oubli de ladite conscience sur l’étagère d’un commissariat qui a brûlé dans les années 90.
Où trouvez-vous vos idées ?
Dans les coins sombres.
Pouvez-vous écrire n’importe où ?
Non, il me faut mon antre.
Est-ce que celle qui écrit doit voir derrière les apparences ?
Je tente de le faire et n’y parviens pas souvent.
Quelle est votre définition de celle qui écrit ?
Pouvez-vous écrire dans le bruit ou en musique ?
J’écris principalement en musique, des morceaux que je connais par cœur.
Celle qui écrit a-t-elle le droit de raconter sa vie ?
Oui, mais je fais en sorte que ça ne se voit pas. Tant et si bien que parfois je ne le vois pas moi-même.
Comment commencer un texte ?
Par :
« La porte ouvrit un œil bleu et me regarda. »
Comment vous habillez-vous quand vous écrivez ?
Pyjama /robe de chambre.
Doit-on écrire pour être lu ?
On est pas obligé.
Est-ce que celle qui écrit est une menteuse ?
Forcément. Et un escroc aussi, évidemment.
Est-ce que celle qui écrit a le droit de mentir ?
Forcément.
Faut-il écrire quand on n’a pas d’idée(s) ?
On écrit, alors elles viennent.
Celle qui écrit doit-elle se soucier de la morale ?
La... quoi ?
Faut-il prendre des notes ?
Peut-être mais je ne le fais jamais.
Celle qui écrit a-t-elle le droit de raconter la vie d’autrui ?
Oui.
Doit-on s’identifier à ses personnages ?
Non. Ce sont des gens.
Celle qui écrit a-t-elle le droit de se prendre pour un écrivain ?
On est écrivain quand on écrit, toujours, et auteur, un jour, quand on est publié.
Je ne sors pas de là.
Faut-il avoir un plan précis ?
J’ai tenté d’en avoir, je ne sais pas les suivre. Ou je m’ennuie, ce qui est pire. J’ai l’impression d’écrire sous la dictée.
Est-ce que celle qui écrit doit étudier le crépuscule ?
Je préfère l’aube.
Peut-on, au contraire, écrire au gré de son imagination ?
Je ne sais pas faire autrement.
Comment savoir si une idée mérite d’être exploitée ?
Quand le livre est terminé.
Celle qui écrit est-elle le plus qualifié pour juger et corriger son manuscrit ?
Juger et corriger non, accepter les jugements et les corrections oui.
Comment savoir quand le texte est terminé ?
On ne le sait pas.
Est-ce qu’un texte peut se terminer ?
Jamais. C’est pourquoi il y a des éditeurs. Pour arracher le texte trémulant à l’auteur avide de perfection.
Qu’est-ce que l’imagination ?
Je ne sais pas.
Est-ce que celle qui écrit doit se soucier de son lecteur ?
Etre compris c’est l’antinome de l’expression libre du soi, l’écrivain funambulise entre ces deux pôles, éternellement.
Est-ce que celle qui écrit doit être une lectrice ?
On doit au moins l’avoir été.
Celle qui écrit est-elle une solitaire ?
Quand elle écrit, oui. Puis elle arrête et s’en va voir le monde car le monde est ce qui la nourrit, quand l’écriture est ce qui la soutient.