Aujourd'hui, ce blog est très honoré de recevoir en première mondiale, une pièce de théâtre de Joseph S Altairac *' !
Le secret de Prometheus
Pièce en un acte et un tableau
Premier acte, premier tableau.
Le décor. C’est un petit matin (comme on les aime), à Hollywood. Dans le fond, on voit une colline peinte, avec les lettres H.O.L.L.Y.W.O.O.D. collées dessus, un peu brinquebalantes. Une minable terrasse de café, à laquelle est attablé un type à l’air un peu misérable (Sam : S.), devant une bouteille d’une sous-marque de Pepsi-Cola (c’est dire !). Le second personnage, Ridley Scott (R.S. : un fameux réalisateur de film), arpente la scène très nerveusement. Il porte des vêtements de marque, à l’inverse de S., mais qui sont un peu froissés. Ses yeux sont cernés, signe qu’il vient de passer une très, très mauvaise nuit. Il a un ordinateur portable à la main, lequel donne l’impression de lui brûler les doigts.
En fond musical, une voix errayée chante un équivalent américain de :
« Boire un petit coup, c’est agréable !
Mais il ne faut pas
Rouler dessous la table. »
La musique s’éteint doucement
R.S. (s’adressant au public en aparté). Bordel (*) !. Il faut que je l’aborde. Deux heures ! Les rats ! Tant pis ! Je n’ai pas le choix ! (S’adressant à Sam) : Bonjour, jeune homme ! Savez-vous qui je suis ?
S. Bonjour Ms’ieu… Non, je ne vois pas, désolé… moi, c’est Sam, pour vous servir…
R.S. Alors c’est parfait ! J’ai besoin de toi! Je suis Ridley Scott.
S. (S’esbaudissant). Whouaaa ! Ridley Scott ! J’ai vu tous vos films ! c’est Titanic mon préféré !
R.S. (grimaçant un peu). Heu, non… enfin, si tu veux… c’est un… un ami… (grimaces appuyées). J’ai besoin de toi à cause d’un pari, voilà ! Tu sais ce que c’est…
S. M’en parlez pas ! Tiens, moi-même, avec mon ancien beau-frère, on a parié un jour que…
R.S. Eh bien ! J’ai besoin de toi pour un truc comme ça ! Hier soir, avec des… enfin, des amis, on a un peu, enfin, beaucoup, beaucoup picolé, et j’ai parié des trucs… j’aurais pas dû…
S. Et c’est quoi ?
R.S. J’ai parié que le premier imbécile venu que je verrais dans un café aujourd’hui écrirait le scénario de mon prochain film…
S.(stupéfait, mais ravi). Et ça tombe sur moi ! Ouaaah, la veine ! Un scénario ? avec des mots ? ça va être difficile, il faudra que ce soit cor… ruscant, non, co…coalescent, non…
R.S. Cohérent ? mais non, voyons ! tout de même pas ! ce n’est qu’un scénario de cinéma !!! Mais il y a des scènes obligées, les autres crapules m’ont fait signer le document… tiens !
(R.S. montre l’écran de l’ordinateur portable à S). Regarde, là ! Les parties en couleurs, tu dois pas y toucher. Entre, tu remplis comme tu veux…
S.(ébloui). Le super matos ! ça bouge tout seul quand on touche l’écran !!! J’ai toujours rêvé d’un ordi comme ça ! (Là, il est nécessaire, pour des raisons publicitaires, que S., qui n’est pourtant visiblement pas une flèche, donne l’impression d’arriver à utiliser l’ordinateur facilement : il faut que le public comprenne que c’est un Mac).
R.S. Alors, c’est OK ?
S. (un peu hésitant, mais fasciné par le bel ordi, sur lequel on aperçoit, clairement dessinée, une silhouette de pomme). J’sais pas… ça me rapporte quoi, cette affaire ?
R.S. (sur un ton presque trop calme) : 200 000 dollars.
S. (encaisse le coup, mais sentant la bonne affaire, il se ressaisit, prenant un air un rien patelin) : 200 000 dollars… mouai… c’est sympa… et je pourrai… garder l’ordi ?
R.S. (haussant les épaules). Tu pourras garder l’ordi.
S. Alors, c’est OK ! (Faisant mine de lire les textes en couleur). Je pourrai mettre des motocyclettes, avec un camping car ? J’aime ça !
R.S. (Soupirant) Tout ce que tu veux.
S. (reprenant la lecture ; on le sens de plus en plus interloqué). C’est bizarre, tout de même… les passages obligatoires, je comprends pas tout…
R.S. (calme, mais sur un ton un peu sinistre) : Normal.
S. (montrant un passage à R.S.) : Là, par exemple…
R.S. : Ah oui, la scène où le gros représentant de commerce colérique se fait violer par le poulpe géant ? Cherche pas, c’est à cause des autres, les salauds (**)!
S. (tout de même un peu désemparé) : Mais c’est censé être quoi, comme film ?
R.S. (semblant reprendre un peu espoir, quoique les spectateurs se demandent bien pourquoi) : Un film de science-fiction !
S. De science-fiction ? Ah, oui, de sci-fi ! Avec des extraterrestres et des soucoupes volantes ! Comme Stargate, à la télé, avec des ventriloques qui parlent des langues étrangères !
R.S. (reperdant espoir). Heu… oui… c’est à peu près ça… Ce sera une préquelle d’Alien.
S. Alien ! Mais je suis fou de la série ! Bon, le premier est un peu naze, c’est vrai, mais à l’époque, c’est normal, on savait pas bien filmer ! Le deuxième est super ! Avec le waldo ! Le troisième, il est un peu bizarre, mais marrant !… Le quatrième… c’est quoi, déjà ? Ah oui, c’est filmé par un Français, la Nouvelle Vague, et tout ! Un peu intello, mais il y avait des femmes à poil !( (Il fait un clin d’œil à R.S.). Sacrés Français ! ça rattrapait bien ! Et aussi, y’a l’autre série, où il se bouffe la gueule avec le Predator ! J’adore ! C’est encore mieux ! Ouaaa ! Je vais écrire une suite à la série Alien ! (Il se met à danser de joie, devant R.S., effondré).
R.S. (se reprenant). Pas une suite, une préquelle. Ce qui se passant avant le premier épisode.
S. (arrêtant de danser et réfléchissant intensément). Ah, une sorte de début avant le début ?
R.S. C’est ça.
S…. ça va pas être facile, mais j’y arriverai ! (il s’assoit à nouveau et compulse les paragraphes en couleur sur l’écran de l’ordinateur, présentant nettement le dessin de la pomme au public). Tiens, là aussi, c’est bizarre, la nénette qui accouche d’un calmar…
R.S. (soupirant). C’est une allusion à la Vierge Marie.
S. (interloqué). Quelle Marie ? Elle peut pas accoucher, si elle est vierge !
R.S. (levant les bras au ciel). Mais enfin ! tu n’as donc aucune culture religieuse ! ?
S. (l’air vexé). Hé ! J’ai fait ma bar-mitzvah, comme tout le monde !
R.S. (un peu exaspéré). Tu as tout de même entendu parler du pape, de Rome, le chef des catholiques…
S. (réfléchissant). J’vois pas… à moins que… ce reportage sur la maffia, en Italie ! Oui ! ça me revient ! Rome, le quartier du Vatican ! ce type habillé en blanc, à côté de Zelig ! C’est le pape ! c’est le mari de la Vierge ! Ou pas vraiment, mais c’est presque pareil !
R.S. (atterré). Et le Christ est le fils de la Vierge. Cherche pas à comprendre.
S. (pourtant content d’avoir tout compris) Avec les croix, les églises et tout ! Oui ! Mais je savais pas qu’ils baisaient (***) avec des poulpes, les chrétiens !
R.S. Bon ! Je reviens chercher le scénario dans deux heures.
S. (soulagé). Ah ! deux heures, ça va ! J’avais peur de pas avoir le temps !
R.S. (l’air sévère). Et je compte sur toi ! Pas un mot, à personne ! ou adieu l’ordi et au fric! Bouche cousue !
S. Pas d’problèmes, M’sieu Scott ! Bouche cousue ! comme la nana ! mais elle, c’est pas la bouche ! hé ! hé ! (clin d’œil égrillard à R.S., qui ne réagit pas). Dites, il s’appellera comment, le film ?
R.S. (dans un soupir). Prometheus.
S. (pensif). Prometheus… Prometheus… c’est pas de l’hébreu, ça ?
R.S. (d’une voix blanche). Presque. À dans deux heures. (Il s’éloigne d’un pas lourd vers les coulisses. On a l’impression qu’il sanglote un peu, et on l’entend marmonner des bouts de phrases sans suite, où l’on croit cependant reconnaître assez nettement les termes de « Cameron », « enculés de leur mère »(****) « vodka » « plus jamais vodka », « Spielberg », « chiens puants », « Lucas », « raclures »).
Au moment où R.S. va disparaître, S. se lève et lance à pleine voix, enthousiaste :
M’sieu Scott ! M’sieu Scott ! Titanic, je l’ai vu trois fois !!!!
Fin du premier tableau, fin du premier acte, fin de la pièce.
Le rideau tombe.
(*) Remplacer ce mot par « Zut » pour les représentations de patronage.
(**) Remplacer ce mot par « faux frères » pour les représentations de patronage.
(***) Remplacer ce mot par « fautaient » pour les représentations de patronage.
(****) Remplacer cette expression par « invertis » pour les représentations de patronage
*' Remplacer ce pseudonyme transparent par "Oncle Joe" pour les réunions de patronage.