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Les dix questions à ne PAS poser à un écrivain.

Publié le par Jeanne-A Debats

1) Où trouvez-vous votre inspiration ?

DANS TON CUL

Variante :

Comment vous viennent vos idées ?

EN ME GRATTANT LES [1] COUILLES [2]

2) Pourquoi écrire de la SF [3] ?

PARCE QUE.

3) Avez-vous toujours été écrivain ?

Non, j'ai commencé par apprendre à lire et à écrire comme tout le monde [4].

4) Etes-vous riche et célèbre ?

Mon yacht croise à l'instant dans le bain de mon fils. Il fait 10 cm. Ma boulangère me reconnaît.

5) Comment conciliez-vous les exigences de la vie de famille [5] avec votre passion [6] ?

J'ai noyé mes enfants et, depuis, j'assassine systématiquement mes compagnons après une nuit. C'est plus sûr.

6) Et à part ça, vous avez un vrai travail [7] ?

Dans la vraie vie, je suis mineuse de fond à Deuil-la-barre.

7) En tant qu'écrivain de SF, vous sentez-vous particulièrement concernée par les problèmes de ce monde ?

LES VERTS DANS TON CUL.

8) Quels sont les romans qui vous ont particulièrement inspirée ?

Oui-Oui sur Mars et le Club des cinq en Thaïlande.

9) Pour vos personnages, vous inspirez-vous des gens de votre entourage [8] ?

Répondre fermement NON.

10) Quel livre auriez-vous aimé écrire [9] ?

La bible et me faire un max de DA avec, vu que c'est le best seller ever.

 

Toutes ces questions restent valides dès lors que l'interviewer est un enfant entre 7 et 16 ans, ensuite, c'est à lui-même que le susdit devrait poser des questions.

 

[1] Ou celles du voisin.[2] En vrai, je plagie systématiquement un autre célèbre auteur d'imaginaire.

[3] Ou du polar, ou de la blanche, ou des livres de cuisine...

[4]  À la place, la plupart des collègues préfèrent répondre qu'ils lisaient Dostoïewski ou Proust à 4 ans, j'avoue que j'ose pas.

[5]  Réservé aux femmes : les mecs, ils concilient forcément, vu qu'il est clair pour tout le monde que c'est pas leur problème.

[6] Vous n'allez pas prétendre que c'est un métier, hein ? Il ne manquerait plus que ça.

[7] Voir NDBP précédente.

[8] Toi, tu veux me fâcher définitivement avec ma belle-mère.

[9] Les miens. Figure-toi que je suis assez contente de ce que je fais.

Publié dans Oups

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Ma première leçon

Publié le par Jeanne-A Debats

années 90

 

Je me souviens de l'entretien avec l'inspecteur.

J'ai un très grand pull mohair en ce mois de mars tiède et mutin. Il me descend jusqu'aux genoux sur mon jean passé. Ma mère l'a tricoté au point de chenille à la fin des années 60 pendant le printemps de Prague. Il est kaki et indestructible, du coup je l'appelle "le tank". Les grosses mailles sont chargées de dissimuler au recruteur que je suis enceinte de 6 mois. Je VEUX ce boulot, pas question de me faire bouler pour un détail aussi anecdotique qu'un accouchement fin juin.

Selon moi, ça passe, juste, mais ça passe. Faut dire qu'en prime de n'avoir jamais donné un cours de ma vie, je suis primipare. Je n'ai aucune idée de ce qui m'attend, et, dans un cas comme dans l'autre, je suis d'une naïveté confondante.

Mon moi d'aujourd'hui en rigole encore. Doucement pour ne pas réveiller la cruche à deux anses que j'étais hier.

L'inspecteur a besoin d'ouailles. Et vite. Il me regarde à peine. Juste deux ou trois conseils basiques sur la nécessité d'arriver à l'heure en classe et même dix minutes en avance. (Ah bon ?) Puis il me tend l'ordre de mission avant de me donner congé.

Je sors en trombe du rectorat, j'étouffe dans le "tank". Je l'ôte sur le trottoir avant de m'allumer une clope, les jambes tremblantes. C'est seulement à ce moment-là que je jette un oeil à mon nouveau poste. J'écarquille les yeux. C'est au fin fond de la Seine-et-Marne dans un patelin dont j'ignorais même l'existence. Tout ce que j'en sais c'est que l'on construit un bidule dans le coin, un bidule à princesses roses qui m'agace déjà, alors même que les murs en sortent à peine de terre.

Deux jours plus tard, je commence le périple ferroviéro-buso-porté qui me conduit dans le village. Trois heures de trajet. vers la fin du parcours, je suis saluée par des statues géantes et plastiques de Mickey et Minnie encore sous leurs "blisters", j'imagine qu'on peut appeler cela ainsi.

Génial.

Je m'attends à un entretien avec le chef d'établissement. Il dure dix minutes pendant lesquelles il m'informe de mon emploi du temps et m'apprend que je suis en classe une heure plus tard devant les troisièmes techno.

Ladite heure passe à une allure folle, j'improvise une explication de texte à l'aide du manuel de la classe qu'on m'a tout de même fourni d'un air pincé. Je sens que je vais m'entendre avec la documentaliste qui visiblement appartient à cette espèce en voie de disparition de bibliothécaires qui détestent voir sortir leurs bouquins.

— Vous le ramenez dans deux heures ? Je peux avoir confiance en vous ? C'est quoi votre nom et votre adresse ?

Je remercie en murmurant, bleue de trouille verte. Je tremble. Et je ne vais pas cesser de trembler le cours durant. Au point que je vais le terminer menton posé au creux de mes mains, le nez dans le texte, mon cou ne supporte plus le poids de ma tête. Je suis tétanique.

Les gosses sont effrayants, aussi grands que moi, avec les mêmes tee shirts métal que mes potes. Mais ils ne mouftent pas et prennent consciencieusement des notes dans un silence que je crois religieux.

En fait, il est consterné et apitoyé, je vais l'apprendre juste après la sonnerie.

Qui résonne enfin alors que je n'ai plus un poil de sec, mais tout de même, j'ai fait mon expli de texte, avec un brio raisonnable. Je suis assez contente de moi : je ne me suis pas évanouite, telle une de mes amies chaque fois qu'elle croise un écrivain. J'imite les gamins, je range mes affaires en vitesse avec une seule idée : fuir cet endroit le plus rapidement possible. Sauf que trois filles maquillées comme je n'ose même pas à carnaval s'approchent du bureau dans l'intention évidente de me parler.

La crise de panique remonte en flèche. Qu'est-ce qu'elles me veulent ? J'ai vraiment tout dit à propos de ce texte de merde, plus jamais je ne pourrais lire la Marquise de Sévigné sans crever de haine.

— Madame ?

— Oui ?

— C'est pour quand le bébé ?

Merde, je suis passée à travers l'inspecteur, le principal, mais les mômes eux ne se sont pas laissés abuser par le "Tank". Je bafouille.

— Fin juin ?

Genre : je sais pas, c'est pas moi, j'ai un alibi.

Elles me sourient toutes les trois, enchantées. Puis elles se regardent entre elles, poussant la "leader" à continuer.

— Sinon madame, vous êtes gentille, hein ? On voit que vous voulez bien faire, que c'est votre première fois et que vous ne vous payez pas notre tête, mais...

Glups.

— Mais on a rien capté, là, à votre marquise.

Je déglutis.

— Rien ? Du tout ?

Elles sourient encore plus fort. L'une d'entre elles prend d'autorité le livre encore posé sur le bureau. Elle l'ouvre.

— 'Voyez, là, cette phrase ?

Je hoche la tête. Je la vois bien, c'est du pur Sévigné, un monument de rosserie et de style réunis. La fille renvoie une de ses mèches décolorées en arrière. Il y a du rose dans mon souvenir, mais peut-être aussi du bleu. Elle se penche sur la page et déchiffre avec peine :

— Voyez ce mot-là, il existe même pas. Z'êtes sûre que c'est du français ?

Ses copines font chorus, elles me montrent un à un tous les mots qu'elles et leurs camarades n'ont pas compris, à savoir les deux tiers du texte. Quand elles s'attaquent à mon expli elle-même, on passe à 95 pour cent.

Je les ai trouvés bien patients mes premiers professeurs le jour de ma première leçon.

 

 

 

 

Publié dans Omphalos

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