My Relativity
Ça grenouille carrément du côté de la mare des journalistes scientifiques depuis que les communicants1 du CERN sans doute animés de bonnes intentions, se sont mis à claironner que leurs chercheurs1’ avaient mesuré un truc plus rapide que la vitesse de la Lumière.
Je suis ravie, je rêve de voyage dans le temps, juchée sur un neutrino muonique, tel le baron de Münchhausen sur son boulet.
Bon, en fait, ce n’est pas tout à fait vrai et je peux arrêter de rédiger le message où j’intime à mon crétin d’arrière arrière-grand-père2 de NE PAS donner tout son or en 1916 à un État dont on peut légitimement soupçonner qu’il aurait vaguement fusillé l’un de mes arrière-grand-pères pour l’exemple, sans compter les 3 autres qui finirent en ragoût chimico-metallico steampunk dans la Somme, permettant, certes, à leur descendante d’arborer crânement de ravissants coquelicots à date fixe, telle the Queen Mum, mais il faut avouer que la consolation demeure un peu courte.*
Et il faut oublier la ruine de la famille subséquente.
En fait, la « limite infranchissable de la lumière » est une vieille lune, ai-je vaguement compris depuis, en tentant de prudents sondages dans mon marigot perso**. D’ailleurs la vitesse de la lumière n’est pas de 300 000 km/s comme je l’ai cru jusqu’ici mais de 299 792,458 km/s.
Du coup, le truc lui aurait mis 213 km/s dans les dents à la LidelL.***
Et donc tout le monde est très content, surtout les scientifiques du CERN qui ont enfin un bidule à montrer à leurs mécènes et les journalistes qui entonnent pour la énième fois la trompette délicieuse de l’Erreur d’Einstein, ce qui fait toujours très joli dans le paysage.*****
Mes copains du Village des Fous sont formidables : ils m’ont tout expliqué, ce que ça voulait dire vraiment cette histoire, en quoi les journalistes scientifiques se mettaient le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate, pourquoi ça ne gênait personne que ces derniers le fassent, voire pourquoi c’était limite obligé qu’ils tombent dans la PARMI.
Parce que voyez-vous, ça manque de fric en recherche fondamentale et que les gens qui accordent la subvention pour le tout mignon canon à particules tout neuf avec les beaux boulons brillants n’y entravent que pouic.
Comme moi.
Mais alors pareil, de vrais jumeaux, c’en est troublant.
ET le canon à particules, faut le leur vendre à ces analphabètes qui ignorent même ignorer ce que C veut dire. Parce que eux, les analphabètes, ils savent qu'un canon à particules même porté en broche, ça ne ne fait pas fondre un électeur d'admiration subjuguée et qu'il faudra le lui vendre ensuite à lui aussi, à l'électeur, qui pour le coup, lui, ne SAIT VRAIMENT pas lire. Or, ce qui compte, ce n'est pas comme on pourrait le croire innocemment, de savoir si nos descendants pourront aller dans les étoiles ou couper les cheveux des comètes en quatre, mais ce qui franchira la limite des cantonnales à une allure raisonnable.
Le cercle devenant franchement vicelard lorsque le politique quoique persuadé jusqu'au fond de l'os de l'importance de la dissection capillaire de comète sait également que :
a) un terrain de foot en boucles d'oreille, ça le fait carrément mieux
b) s'il n'est pas réélu, le canon à particules pourra passer le reste de sa courte existence à compter ses boulons car il n'en aura pas un de rechange.
Aussi, les communicants du CERN font rentrer les journaleux dans LE GRAND COMPLOT, celui qui vise à faire percuter un truc, n’importe quoi pourvu que ce soit sexy, à ces gros balourds de politiques qui ont le chéquier et qui ne le sortiront que si le neutrino porte un beau soutien-gorge assorti à son string.
Les politiques font semblant de rien tout autant que de comprendre ce qu’on leur raconte et à la fin, ils signent le chèque – sans être dupes je pense, enfin j’espère, vu qu’ils nous entubent exactement de la même manière lorsqu’ils tentent de nous faire avaler l’augmentation de leurs indemnités parlementaires en pleine période d’austérité.
C’est un peu inquiétant, non ?
Tous ces gens qui prennent des décisions capitales sans capter une seconde de quoi il retourne…
On saisit mieux le mulot du coup, sans compter Hadopi, Fukushima, et j’en passe et des meilleures. C’est peut-être encore plus inquiétant de se dire qu’ils le savent qu’ils ne pigent queudchi ; qu’ils s’en tapent et décident quand même.
Quoique.
Compte tenu des paramètres énoncés, ce qui est étonnant au fond, c’est que ça ne tourne pas mal SYSTÉMATIQUEMENT. Alors soit l’Homme a le cul bordé de nouilles, la Femme le trompe avec Cthuluhuhu depuis des millénaires et il est temps que l’Humanité achète un billet de loto, soit le système fonctionne malgré tout, bon an mal an.
On peut le regretter, s’en arracher les cheveux, cependant le principe de réalité nous attend au tournant ; quiconque a participé à une réunion de quoi que ce soit visant à décider d’accorder des fonds à n’imp, sait bien qu’on en revient toujours là : maquiller le truc jusqu’à ce que tous les autres soient séduits.
D'ailleurs, je l'ai largement expérimenté au festival de Besançon celle-là.
Je m'explique.
C'était un salon de Mainstream et nos couvertures de bouquins faisait faire largement grise mine (quand pas demi-tour) au lecteur lambda qui trainait dans les allées. Nous avons vite, Lionel Davoust, Christophe Lambert****** et moi, constaté à quel point il ne fallait pas dire le nom de celle-dont-on-ne-doit-pas-dire-le-nom5 sous peine de ne rien signer. Aussi nous sommes-nous, sans nous concerter, mis à expérimenter en double aveugle******* de petites techniques de maquillage de l'info :
Lionel a vendu de la "fable philosophique", du "merveilleux urbain", et du "thriller fantastique", moi de la "fiction spéculative", de l'eco-thriller, des "expériences de pensée sociologiques" et... du cul !
Ce qui revient à ce que nous disait Monsieur Éric Dufour hier soir à l'INHA – entre autres absurdités sur lesquelles je reviendrai ultérieurement, mais là, sur ce point précis, il n'avait pas tort – c'est à dire que lorsqu'on présente un truc nouveau, on a intérêt à faire semblant qu'en fait c'est la même chose que d'habitude, ou presque.
Eh bien ça marche, nom de Zeus!
(Pendant ce temps, Christophe Lambert se bidonnait et faisait de précieuses suggestions de sémantique appliquée au maquillage.)
En tout cas de la même façon que le pauvre auteur de SF isolé dans le salon de mainstream, eh bien le pauvre chercheur fondamental a bien raison de s'exercer au marketing car au fond leur démarche est la même et revient à cette remarque de base :
Un boulon gratuit est supérieur à tout!
Enfin, j’avoue que dans tout ça ce qui me sidère le plus c’est que personne ne se soit encore mis à bramer « C’est l’Apocalypse ! Repentez-vous ! » parce qu’il y aurait matière (noire), après tout : ça bouge du côté du Large Hadron et ça, c’est un Signe6.
N’est-ce pas ?
Joyeux réveillon avant la fin du monde !
1 et 1’ Mots clés à ne pas oublier.
2. Ça compte l’arrière-grand-père, Guillaune ? 3
3. Laissez Monsieur Lebeau et moi, on se comprend.
* Ne me demandez surtout pas pourquoi, j’enseigne le Latin pas la recherche fondamentale en physique, j’ai compris des trucs récemment mais je me méfie des métaphores hasardeuses balancées par une non spécialiste qui croit avoir compris. À la fin de mon exposé, vous seriez persuadés qu’on a envoyé une paire de ciseaux dans le temps pour couper les roudoudou au père d’Hitler et Staline ; perso, j’ai tendance à penser que ce n’est pas sain.4
** Un auteur de SF DOIT connaître la différence entre Relativité Générale et Restreinte, être capable de faire semblant de l’expliquer et vivre dans un univers quantique4’, tandis qu’un auteur du maintstream peut sans problème continuer à respirer dans un monde Copernicien. C’est dégueulasse, déjà qu’ils ont presque tous les lecteurs, mfff !!!!
4 et 4’. Oui, je sais c’est contradictoire, mais en apparence seulement.
*** LideL = Limite infranchissable de la Lumière****
**** Ou PARMI = Physique Au Rabais Métaphoriquement Induite
***** Qu’ils la rangent après l’avoir astiquée, ce n’est pas grave, elle servira comme d’habitude, d’ici cinq ou six ans.
5. La SF.
****** Name dropping in progress.
6. Si quelqu’un l’a fait, ça m’a échappé, j’étais à Besançon.
******* C'est à dire qu'on se faisait un peu suer et du coup fallait bien rigoler un peu.