Le bug du 5 octobre
Hier, c'était l'horreur, ma Réalité Restreinte Postmoderne s'est effilochée, puis est partie en n...*ouilles.
Déjà, dès l'aube, à l'heure où blanchissent les hauteurs des tours jumelles de la Porte de Bagnolet, j'appris en ouvrant mon navigateur préféré** que la section "Commentaires et Administration" de ce blog allait être fermée pour maintenance entre neuf et dix heures environ.
C'est à dire que pendant UNE heure terrrrrrrihible, le monde allait être dans l'incapacité de me faire savoir ce qu'il pense et moi infichue de lui répondre. Le sentiment de perte, d'angoisse et de solitude qui me saisit alors n'a rencontré d'égal je pense que dans ce qu'a pu ressentir le héros du "Désert des Tartares" une bonne partie du roman.***
That was my first clue.
Ensuite, j'eus deux heures de cours un poil chaotiques car la bécane de la classe affichait une certaine résistance butée à :
a) faire fonctionner son moniteur
b) sélectionner la bonne liste de classe
c) accepter de prendre en compte le cahier de textes virtuel.
That was my second clue.
je crois que les élèves m'ont trouvée pénible, même pas relativement, ainsi qu'en témoignent les phrases construites afin de rendre compte de la fonction attribut du sujet sur leurs copies :
je cite
-- Le professeur est nerveux. (Tb)
-- La professeure est agacée (Tb+, fonction respectée, plus accord de l'adjectif, plus political correct, tout ça en une phrase ! Du grand art. Nous applaudissons la petite A.)
-- A. est punie .*** (b)
-- L'ordinateur est tapé par la prof. (I, sans compter la délation)
Ce qui m'a conduite à énoncer pour moi-même l'axiome suivant :
La joie de vivre de la femme postmoderne suit une courbe directement proportionnelle à l'accessibilité du réseau.
Et son corollaire :
La joie de vivre de ses élèves suit exactement la même courbe avec un intervalle de deux minutes environ.
Mais baste, je refusai de me laisser abattre et continuai mon bonhomme de chemin jusqu'à la récré qui m'apporta dans mon casier le poulet suivant :
VOUS ÊTES INSPECTÉE LA SEMAINE PROCHAINE.
Ok, me dis-je, ça continue, jamais j'aurais dû oublier cette dent de requin porte-bonheur offerte par l'oncle Joe.
J'affrontai avec une certaine sérénité résignée les deux heures suivantes, selon le sain principe que ça ne pouvait pas empirer, en quoi j'avais redoutablement tort et le tort tue.
Pardon.
Enfin, je sortis, et d'un pas joyeux**** entrepris de rentrer chez moi tout en appelant une de mes bests friends via mon portable du futur afin de lui faire part de l'exécution sommaire qui m'attendait la semaine suivante.
-- Ni fleurs, ni couronnes, l'informé-je d'un ton sobre auquel elle n'eut pas le temps de répondre.
Soudain, sur mon frèle poignet d'intello anorexique, un choc! Mon portable choie et un individu s'en emparoie avant de filer comme une lamproie vers les ruelles qui poudroyoient.
J'en aurais pleuré, c'eut été mon quatrième portable de l'année.
That was my third clue.
Mais, ça n'était pas son jour à lui non plus, à l'individu, deux hommes surgirent alors et le plaquèrent au sol. Des flics. En civil. Les copains de l'individu nous rejoignirent et il y eut un échange sans ambiguité entre les jeunes et la police, les premiers intimant aux seconds de relâcher la victime de la société qui tentait de leur arracher les mamelons avec les dents******, les seconds bramant contre le 17 qui restait muet. Finalement, les flics, l'individu******** et moi-même nous nous repliâmes à pied vers le Bloc.
Oki. S'ensuivit une après-midi éprouvante où je constatai avec tristesse, que l'individu était mineur, avec consternation, qu'il n'y a aucune boulangerie potable à proximité du central du vingtième arrondissement, avec amusement, que les cafés policiers valent largement le café éducatif, et, avec ahurissement, que les logiciels de la police sont massivement obsolètes********, même en comparant avec ceux de l'EN, vu qu'ils datent, ainsi que me le confia un charmant officier, des années 80 et furent conçus pour des fonctionnaires, tous partis à la retraite depuis, et qui ne voulaient rien avoir à faire avec l'informatique, de près ou de loin.
That was my fourth clue.
Bon, je vous passe les angoisses du prof portant plainte contre un mineur, quand il est bien conscient que sa mission de base est de SORTIR les mômes du trou pas de les y coller au fond. Mais ses petits camarades ayant jugé bon de me menacer directement si je portais plainte, en gueulant qu'ils me connaissaient, ne m'avaient pas laissé le choix ; il fallait justement qu'ils me connaissent vraiment : j'ai leurs petits frères en classe.
Bref. Je récupérais mon portable du futur à l'issue d'une longue et douloureuse procédure avant d'enfin rentrer chez moi et constater que l'intégralité du cahier de texte depuis septembre que je comptais coller dans la bécane du collège********* avant l'arrivée de l'inspecteur avait disparu dans une panne inopinée.
That was my fifth clue.
Aujourd'hui, j'ouvre mon navigateur et j'apprends que :
Steve Jobs est mort hier !!!
Moi, je dis : c'est cohérent.
Mais j'ai remis Godzilla dans mon sac.
À tout hasard.
* C.
** Je collectionne les navigateurs, ça me donne l'impression d'être à la tête d'une organisaton d'espionnage industriel.
*** Jusqu'au moment où les Tartares arrivent et butent ENFIN tout le monde.
**** Parfois la créativité de mes élèves s'exerce contre leurs petits camarades qu'ils adorent déf/noncer dans leurs copies, braves petits.
***** Le pas d'un prof n'est jamais allègre on se demande pourquoi.
******Authentique.
******* à l'insu de son plein gré.
******** On est loin, très loin, des Experts.
********* Qui ne fonctionne que depuis la semaine dernière, ceci explique cela.