Transes
De François Lestouffier
Dernier opus de ma trilogie du pire :
Dieu sait que j’aime la SF, j’en écris, mes potes en écrivent, certains vont jusqu’à en traduire, mes meilleurs éditeurs en éditent, une fois l’an, j’offre en compagnie d’une bande de dingues un chèque assez intéressant à un miséreux famélique quelconque échoué comme nous dans ce genre décrié et quelques Lundi par an je me rends au Village des Fous pour ne parler QUE DE ÇA* pendant au moins douze heures, sans compter mes émois de quinqua à la vue de certain torse poil quoique coquettement agrémenté de tops en coton ou en cuir arboré ici ou là à longueur de combat contre de noires créatures baveuses et issues du fin fond de l’espace par une fille athlétique toujours sublime à 80 ans.
Mais là, ça ne va pas le faire.
Je dis : halte-là.
Ce livre est ma déception de l’année.
Pourtant au départ, tout commence très bien, car le héros se réveille un beau matin dans la peau d’un être, extraterrestre au bas mot ou victime d’une mutation engendrée par la fission de l’atome, parfaitement répugnant, les antennes et le nombre de pattes grêles et crissantes à souhait**. L’envahisseur insectoïde se présente donc tout à fait crédible -- surtout si l'on oublie qu'on a su un jour qu'un insecte de cette taille ne pourrait pas supporter la pesanteur terrestre et serait sans doute incapable de seulement continuer à respirer dans ces conditions -- merveilleusement menaçant et dégoûtant, on attend de pied ferme les starshiptroopers qui en débarrasseront le quartier à grands coups de blasters lourds après que l’immonde bestiole animée de pulsions meurtrières incontrôlables ait d’abord massacré tous les chatons des alentours avant de s’attaquer à la blonde de service.***
Bref, une belle et bonne revisitation de la Mouche quoique jouée par un sous Jeff Golblum puisque ce dernier s’est reconverti dans la vente de Nespresso.
Il n’en est rien et le lecteur tombe de haut, car loin d’agresser le voisinage, le monstre se réfugie sous son ancien lit terrorisé par la femme de ménage ;**** et s’efforce maladroitement de continuer à consommer les casse-croutes confectionnés par sa maman – le seul personnage crédible dans cette histoire – car on sait bien que les mères sont aveugles aux défauts les plus criants de leurs petits mêmes et y compris lorsque les dits défauts se présentent sous l’aspect qu’un exo squelette en chitine.
Je peux vous en parler.*****
Adoncques, la Bête Immonde loin de faire régner une terreur délicieuse et de bon aloi, se cache, au point que même sa famille en crève de honte et songe à s’en débarrasser drastiquement, tandis que le lecteur pense qu’envoyer ses tueurs à gages à l’auteur ne serait peut-être pas une si mauvaise idée que cela.
Mais le pire n’est pas là, le pire est dans l’intention de l’auteur de nous faire saisir l’humour échevelé de la situation, car il se croit drôle le malheureux. Au point qu’on finit par renoncer aux tueurs à gages et par envisager de lui suggérer le seppuku qui lui permettrait de recouvrer un minimum de dignité.
Il n’y avait pourtant pas que de mauvaises idées dans ce livre, elles ont seulement été massacrées par un écrivain incapable de choisir le seul point de vue valide de l’histoire, celui de la blonde de service qui aurait pu ainsi faire une superhéroïne géniale dont la mission eut été de nettoyer la surface de la Terre de cette vermine pitoyable. Au lieu de cela, François Lestouffier se concentre sur les terreurs et angoisses du monstre dont on a rien à braire, et qui sont aussi peu crédibles que les remords affichés annuellement par mon percepteur.
Encore un qui croit que nombril et fiction se marrient harmonieusement. Franchement ce livre est oubliable et d’ailleurs si on pouvait oublier de le publier, je pense sans l’ombre d’une hésitation que la forêt amazonienne au moins nous en serait reconnaissante.
Un mot du style censé refléter l’absurdité du monde, qui se permet de bouffer à tous les râteliers, dont on peut dire à peu près tout et n’importe quoi, et qui, de plus, confond multiplicité des grilles possibles d’analyse avec solidité conceptuelle, alors qu’il ne réalise qu’un insondable bordel.
Gageons cependant hélas que ce résidu de roman plaira à ceux qui croient que complexité et foutoir à références riment avec talent et profondeur, mais ce seront les seuls.
Ou en tout cas, ils feront sans moi.
Bonne fin de week end.
* Quoiqu’il arrive que le sujet se porte également sur la question brûlante du matériel militaire en vogue entre 1910 et 1950.
** Il ne bave pas, c’est dommage, sans compter la couleur qui au lieu d’un brun chaud mâtiné de jaunâtre se serait bien plutôt exaltée dans un vert céladon coquet.
*** Dans un but d’autant plus inavouable que la mise en œuvre du crime serait un peu complexe balistiquement.
**** Bien que l’action se situe dans une période Pré DDT et Monsanto.
***** Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de soi-disant surdoués quand ils ne sont que fainéants et mal élevés dont on m’a fait le portrait légèrement orienté en réunion parents/profs. C’est net, maintenant quand j’entends le mot surdoués, je me crispe immédiatement.