Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

les dix refus de manuscrits foireux*

Publié le par Jeanne-A Debats

(la lettre-type de refus d'Yves Frémion, reproduite avec son aimable autorisation et grâce à la diligence de Sylvie Denis)

(la lettre-type de refus d'Yves Frémion, reproduite avec son aimable autorisation et grâce à la diligence de Sylvie Denis)

 

On a tous reçu des refus de manuscrit.

Mon premier refus[i], je m’en souviens, même pas comme si c'était hier, plutôt comme si c'était il y a dix minutes :

il était tellement bien tourné que je n’ai pas COMPRIS que le type disait non. Je lui en veux encore un peu, ce qui n’est pas totalement juste, car il essayait :

a) de préserver mon ego[ii]

b) de ne pas se faire casser la gueule.

Statistiquement, il n’avait pas tort, je dois le reconnaitre. L’auteur refusé peut se montrer de réellement désagréable à über désagréable, en passant par la case hyper gênante des sanglots[iii].

 Ma philosophie perso à cet égard se résume à : « C’est le jeu, ma pauvre Lucette. » option « On ne peut pas plaire à tout le monde ». Et j’envoie mon bébé à quelqu’un d’autre car j'ai peu d'ego en fait sur les bouquins non publiés. En revanche, je deviens terriblement chatouilleuse dès lors qu'ils sont imprimés, il ne faut pas déconner non plus.

Mais en ce qui concerne les manuscrits, je n’ai jamais eu besoin qu’on m’explique POURQUOI on refusait mon chef-d’œuvre parce que la réponse se résume (elle aussi) à :

« Ça n’a pas plu. »

Ça suffit bien, inutile de verser dans le masochisme (ou le sadisme, selon le côté duquel on regarde) en prime.

 J’ai un éditeur chéri qui m’explique de temps en temps pourquoi il pense que j’ai fait de la merde. Mais on se connaît depuis dix ans, je sais qu’il dit réellement ce qu’il ressent, qu’il parle pour lui et lui seul, et que, oui, il regardera vraiment mon prochain opus.

Avec tout autre que lui, la réponse 4 est simplement  insultante.

Liste non exhaustive :[iv]

1) « Malgré ses qualités évidentes …’

Tu te fous de ma gueule en plus ?

2) « Ce manuscrit n’a pas retenu notre attention, mais nous restons en contact et ne manquerons pas de déjeuner ensemble dans le courant de l’année afin de faire le point »

Vous n’en entendrez plus jamais parler et vous le savez à l’instant même ou on vous le dit.

3) « Nous n’avons pas reçu votre manuscrit, mais si vous voulez, vous pouvez nous en renvoyer un exemplaire… »

… qui ira rejoindre le premier dans la corbeille à papier.

4) « Toutefois nous vous invitons à nous soumettre votre prochain manuscrit… »

…qui retrouvera les deux autres à l’endroit cité plus haut.

5) « Ne correspond pas à notre ligne éditoriale… »

À moins que n’ayez commis l’erreur ultime qui consiste à envoyer un roman à un éditeur de guides de voyage ou de cuisine (on ne ricane pas, ça arrive tout le temps) ça signifie juste qu’ils n’en veulent pas, inutile de leur renvoyer une lettre prouvant que le livre de Bidule rentre pile dans la même thématique que le vôtre.

6) « Ce n’est qu’un premier tome et vous prévoyez une trilogie, nous préférons éditer l’ensemble de la série »

Revenez nous voir dans dix ans ; d’ici là, si tout va bien, on aura fait faillite.

7) Le refus personnalisé où l’éditeur en verve (parfois carrément goguenard) (parfois réellement pédago) vous explique point par point tout ce qui coince dans votre œuvre, tout en mettant en valeur les points positifs.[v]

 Dit comme ça, ça à l’air sympa, mais en fait non quand on y réfléchit trois secondes. C’est un excellent moyen pour vous enterrer à jamais sous les corrections ou vous convertir à la culture de la lavande en basse-Provence. La littérature y gagnera peut-être, mais pas vous.

8) « Nous restons en contact… »

À l’instant même, le siège social de la boîte est délocalisé en Corée du Nord.

9) « Nous ne doutons pas que votre manuscrit saura rencontrer ailleurs son éditeur et son public »

Mais si, mais si, ils en doutent, sinon ils auraient pris.

 

10) Le meilleur pour la fin :

THE BIG SILENCE OF THE DEATH OF THE FUTURE

Malgré toutes vos tentatives, vous ne parvenez pas à joindre qui que soit par téléphone, aucun accusé de réception de votre manuscrit que ce soit par mail, signaux de fumée ou pigeons voyageurs, en festival l’éditeur est toujours en rendez-vous, et au Salon du Livre de Paris, le stand de la boîte disparait mystérieusement quand vous passez dans son allée.

En gros, cette tactique possède le mérite d’éviter au type de vous dire « Non ». C’est une des plus efficaces mais aussi une des plus frustrantes.

 Se faire une raison et se dire qu’au bout de six mois, ce silence signifie :

« NIET.»

Conclusion :

Il faudrait se dire, à mon sens, côté auteur, que rien n’oblige personne à vous lire et que par conséquent « non », juste « non», c’est déjà pas mal. L’édition n’est pas une démocratie (eh non), ni une ONG contrainte par contrat avec la déclaration des Droits de l'Homme, la Femme et le Lecteur à se fader tout texte qu'on lui présente. Ce n'est pas l’école des fans, tout le monde ne peut pas gagner. Du côté éditeur, un peu moins de langue de bois et un peu plus de couilles/ovaires parfois, ça ne déparerait pas le paysage, non plus.

 Ainsi, chers éditeurs et collègues, rien ne vaut la lettre-type. Neutre, factuelle, lapidaire. (Tranchons dans le vif, ôtons le sparadrap d'un coup.)

«  Votre roman transfictionnel/ décalogie en 35 tomes/recueil de polésie végane/ compilation de recettes de cuisine alien/ autobiographie commentée par Obiwan Kenobi ne correspond pas à ce que nous cherchons. Bien cordialement. Bisou. [vi]»

 

Et je dédie ce post de blog à Yves Frémion qui reste dans mon cœur le plus grand déboulonneur de manuscrits de la terre entière.

* Ce sont les livres autant que les refus qui sont foireux, soyons clairs.

 

 

 

 

[i] Mon deuxième refus, je le dois à Gérard Klein avec « un peu » de retard. Il me demandait un manuscrit et je lui répondis « Mais enfin, Gérard, tu as refusé ce roman, il y a 2 ans. » et lui « Ah oui, il ne devait pas être bon. Oublie ça. »

Merci, mon chou, oublions aussi que depuis deux ans une autre maison l’a publié et qu’il a remporté un prix. Toutefois, on peut reconnaître à Gérard Klein ces deux qualités ambigües :

a) il n’en a rien à braire de l’ego de l’auteur

b) il n’a pas peur de se faire casser la gueule.

 Quelque part, c’est reposant, ce côté Chuck Norris de la littérature de genre.

[ii] Qui ne risque rien, il est boosté à l’uranium enrichi aux céréales complètes et aux protéines d’onglet de bœuf de Chalosse.

[iii] Mention spéciale à l’auteur qui, un jour, envoya son manuscrit à une célèbre maison d’édition, le tout accompagné d’une lettre où il déclarait que « publier ce roman serait réaliser le vœu ultime de sa maman mourante ». Devant le refus de l’éditeur peu ému, le type fit suivre du certificat de décès. Un must.

[iv] Évidemment, certaines lettres peuvent très bien jouer le combo. Genre refus 1 + refus 4 + refus 9.

[v]  S’il en trouve et dieu sait qu’il cherche. Mention spéciale à « Vous avez une voix » qui ne veut rien dire mais qui fait toujours bien.

[vi] Le bisou n’est pas totalement nécessaire, mais un peu de tendresse dans ce monde de brutes…

Publié dans Oups

Partager cet article
Repost0

Potiches !

Publié le par Jeanne-A Debats

Potiches !

Publié dans Mauvais esprit

Partager cet article
Repost0

Les dix questions à ne PAS poser à un écrivain.

Publié le par Jeanne-A Debats

1) Où trouvez-vous votre inspiration ?

DANS TON CUL

Variante :

Comment vous viennent vos idées ?

EN ME GRATTANT LES [1] COUILLES [2]

2) Pourquoi écrire de la SF [3] ?

PARCE QUE.

3) Avez-vous toujours été écrivain ?

Non, j'ai commencé par apprendre à lire et à écrire comme tout le monde [4].

4) Etes-vous riche et célèbre ?

Mon yacht croise à l'instant dans le bain de mon fils. Il fait 10 cm. Ma boulangère me reconnaît.

5) Comment conciliez-vous les exigences de la vie de famille [5] avec votre passion [6] ?

J'ai noyé mes enfants et, depuis, j'assassine systématiquement mes compagnons après une nuit. C'est plus sûr.

6) Et à part ça, vous avez un vrai travail [7] ?

Dans la vraie vie, je suis mineuse de fond à Deuil-la-barre.

7) En tant qu'écrivain de SF, vous sentez-vous particulièrement concernée par les problèmes de ce monde ?

LES VERTS DANS TON CUL.

8) Quels sont les romans qui vous ont particulièrement inspirée ?

Oui-Oui sur Mars et le Club des cinq en Thaïlande.

9) Pour vos personnages, vous inspirez-vous des gens de votre entourage [8] ?

Répondre fermement NON.

10) Quel livre auriez-vous aimé écrire [9] ?

La bible et me faire un max de DA avec, vu que c'est le best seller ever.

 

Toutes ces questions restent valides dès lors que l'interviewer est un enfant entre 7 et 16 ans, ensuite, c'est à lui-même que le susdit devrait poser des questions.

 

[1] Ou celles du voisin.[2] En vrai, je plagie systématiquement un autre célèbre auteur d'imaginaire.

[3] Ou du polar, ou de la blanche, ou des livres de cuisine...

[4]  À la place, la plupart des collègues préfèrent répondre qu'ils lisaient Dostoïewski ou Proust à 4 ans, j'avoue que j'ose pas.

[5]  Réservé aux femmes : les mecs, ils concilient forcément, vu qu'il est clair pour tout le monde que c'est pas leur problème.

[6] Vous n'allez pas prétendre que c'est un métier, hein ? Il ne manquerait plus que ça.

[7] Voir NDBP précédente.

[8] Toi, tu veux me fâcher définitivement avec ma belle-mère.

[9] Les miens. Figure-toi que je suis assez contente de ce que je fais.

Publié dans Oups

Partager cet article
Repost0

Ma première leçon

Publié le par Jeanne-A Debats

années 90

 

Je me souviens de l'entretien avec l'inspecteur.

J'ai un très grand pull mohair en ce mois de mars tiède et mutin. Il me descend jusqu'aux genoux sur mon jean passé. Ma mère l'a tricoté au point de chenille à la fin des années 60 pendant le printemps de Prague. Il est kaki et indestructible, du coup je l'appelle "le tank". Les grosses mailles sont chargées de dissimuler au recruteur que je suis enceinte de 6 mois. Je VEUX ce boulot, pas question de me faire bouler pour un détail aussi anecdotique qu'un accouchement fin juin.

Selon moi, ça passe, juste, mais ça passe. Faut dire qu'en prime de n'avoir jamais donné un cours de ma vie, je suis primipare. Je n'ai aucune idée de ce qui m'attend, et, dans un cas comme dans l'autre, je suis d'une naïveté confondante.

Mon moi d'aujourd'hui en rigole encore. Doucement pour ne pas réveiller la cruche à deux anses que j'étais hier.

L'inspecteur a besoin d'ouailles. Et vite. Il me regarde à peine. Juste deux ou trois conseils basiques sur la nécessité d'arriver à l'heure en classe et même dix minutes en avance. (Ah bon ?) Puis il me tend l'ordre de mission avant de me donner congé.

Je sors en trombe du rectorat, j'étouffe dans le "tank". Je l'ôte sur le trottoir avant de m'allumer une clope, les jambes tremblantes. C'est seulement à ce moment-là que je jette un oeil à mon nouveau poste. J'écarquille les yeux. C'est au fin fond de la Seine-et-Marne dans un patelin dont j'ignorais même l'existence. Tout ce que j'en sais c'est que l'on construit un bidule dans le coin, un bidule à princesses roses qui m'agace déjà, alors même que les murs en sortent à peine de terre.

Deux jours plus tard, je commence le périple ferroviéro-buso-porté qui me conduit dans le village. Trois heures de trajet. vers la fin du parcours, je suis saluée par des statues géantes et plastiques de Mickey et Minnie encore sous leurs "blisters", j'imagine qu'on peut appeler cela ainsi.

Génial.

Je m'attends à un entretien avec le chef d'établissement. Il dure dix minutes pendant lesquelles il m'informe de mon emploi du temps et m'apprend que je suis en classe une heure plus tard devant les troisièmes techno.

Ladite heure passe à une allure folle, j'improvise une explication de texte à l'aide du manuel de la classe qu'on m'a tout de même fourni d'un air pincé. Je sens que je vais m'entendre avec la documentaliste qui visiblement appartient à cette espèce en voie de disparition de bibliothécaires qui détestent voir sortir leurs bouquins.

— Vous le ramenez dans deux heures ? Je peux avoir confiance en vous ? C'est quoi votre nom et votre adresse ?

Je remercie en murmurant, bleue de trouille verte. Je tremble. Et je ne vais pas cesser de trembler le cours durant. Au point que je vais le terminer menton posé au creux de mes mains, le nez dans le texte, mon cou ne supporte plus le poids de ma tête. Je suis tétanique.

Les gosses sont effrayants, aussi grands que moi, avec les mêmes tee shirts métal que mes potes. Mais ils ne mouftent pas et prennent consciencieusement des notes dans un silence que je crois religieux.

En fait, il est consterné et apitoyé, je vais l'apprendre juste après la sonnerie.

Qui résonne enfin alors que je n'ai plus un poil de sec, mais tout de même, j'ai fait mon expli de texte, avec un brio raisonnable. Je suis assez contente de moi : je ne me suis pas évanouite, telle une de mes amies chaque fois qu'elle croise un écrivain. J'imite les gamins, je range mes affaires en vitesse avec une seule idée : fuir cet endroit le plus rapidement possible. Sauf que trois filles maquillées comme je n'ose même pas à carnaval s'approchent du bureau dans l'intention évidente de me parler.

La crise de panique remonte en flèche. Qu'est-ce qu'elles me veulent ? J'ai vraiment tout dit à propos de ce texte de merde, plus jamais je ne pourrais lire la Marquise de Sévigné sans crever de haine.

— Madame ?

— Oui ?

— C'est pour quand le bébé ?

Merde, je suis passée à travers l'inspecteur, le principal, mais les mômes eux ne se sont pas laissés abuser par le "Tank". Je bafouille.

— Fin juin ?

Genre : je sais pas, c'est pas moi, j'ai un alibi.

Elles me sourient toutes les trois, enchantées. Puis elles se regardent entre elles, poussant la "leader" à continuer.

— Sinon madame, vous êtes gentille, hein ? On voit que vous voulez bien faire, que c'est votre première fois et que vous ne vous payez pas notre tête, mais...

Glups.

— Mais on a rien capté, là, à votre marquise.

Je déglutis.

— Rien ? Du tout ?

Elles sourient encore plus fort. L'une d'entre elles prend d'autorité le livre encore posé sur le bureau. Elle l'ouvre.

— 'Voyez, là, cette phrase ?

Je hoche la tête. Je la vois bien, c'est du pur Sévigné, un monument de rosserie et de style réunis. La fille renvoie une de ses mèches décolorées en arrière. Il y a du rose dans mon souvenir, mais peut-être aussi du bleu. Elle se penche sur la page et déchiffre avec peine :

— Voyez ce mot-là, il existe même pas. Z'êtes sûre que c'est du français ?

Ses copines font chorus, elles me montrent un à un tous les mots qu'elles et leurs camarades n'ont pas compris, à savoir les deux tiers du texte. Quand elles s'attaquent à mon expli elle-même, on passe à 95 pour cent.

Je les ai trouvés bien patients mes premiers professeurs le jour de ma première leçon.

 

 

 

 

Publié dans Omphalos

Partager cet article
Repost0

Interstellar, ta gueule à la récré !

Publié le par Jeanne-A Debats

J'avais promis à Laurent Genefort, Nicolas Barret et Pixel Somnium de dire ce que je pensais d'Insterstellar.
En sortant, le Guéridon (1)  et moi, on fumait.
De rage.
Fous furieux tous les deux.
Du coup on s'est partagé la besogne à lui le technique et la psychanalyse,
à moi le rêve de l'espace...


BRISÉ


Ça partait bien pourtant :
Papounet allait chercher l'exclusion temporaire de Fifille qui s'était battue pour avoir défendu l'idée selon laquelle les hommes s'étaient bien posés sur la lune, contrairement à la propagande gouvernementale.
On voyait bien ce tas de gros crétins piétiner l'histoire de l'espace au nom de son inutilité supposée, à quoi Papounet, ingénieur à la mâchoire rabotée, opposait l'IRM qui aurait pu sauver sa propre femme jadis, s'il en était resté un en fonctionnement (Mais pourquoi ils fonctionnent plus ? C'est pas clair...) comme preuve que l'espace avait apporté de grandes choses à l'humanité.


(Déjà, ça puait l'excuse à la con, le "je-vais-honteusement-dans-l'espace- mais-si-si-je-vous-jure-que-ce-sera-utile" mais j'étais naïve, j'ai rien vu venir.)


Je bichais, tout en me disant que récemment encore je m'étais fritée sur ce thème avec un poteau (Coucou Nico Blondeau comment va Philae ?) et je me demandais ce qui s'était passé sur cette planète depuis mes vingt ans pour qu'on ait jeté à la poubelle des hubris scientifiques de l'humanité (Pas très loin de la théière qui brûle pas les doigts et qui en fout pas partout.) une de ses plus belles, plus pures rêveries de savoir, celle qui me pousse parfois à flirter avec la métaphysique.


(C'est dire !)


Puis, tout va bien, la Nasa revient en force, Papounet file dans l'espace pour tester le plan A à savoir trouver la nouvelle planète qui accueillera l'humanité suffocante.
(Vous ne voulez pas connaître le plan B -- bien qu'il soit le seul rationnel au départ mais baste -- d'ailleurs les héros non plus pendant les 3/4 du film, alors que vous spectateur vous avez pigé à la première seconde.)
Et là paf !

Commence la Grande déception.


Nolan n'aime pas l'espace.
Il s'en fout.


Il s'en balance à un point tel, que c'est vachement plus cool de nous montrer un bon quart d'heure de messages poignants qu'ils reçoivent de la Terre, plutôt que Saturne, ses anneaux, son mignon trou noir tout neuf.
Mais alors il s'en carre tellement que pendant la plongée dans ledit trou noir... Ben on a quoi en gros plan la majeure partie du temps ?
Les visages figés de ses héros derrière le plexi des casques avec les loupiotes bleus clignotantes virant à l'orange des fois qu'on ait loupé l'allusion à 2001.
Sisi.
(Enfin, ils sont censés incarner l'angoisse et l'anticipation émerveillée en même temps.)


Moi, je voulais VOIR CE FUCKING TROU NOIR, virez-moi ces macaques maquillés au LED !
 

Interstellar, ta gueule à la récré !

Et tout le temps, mais TOUT LE TEMPS, on vous oppose la philo à deux balles du grand-père bougon-mais-qui-a-les-pieds-sur-terre-LUI avec celle, forcément perverse, de ces gros salopards mégalo-homicides de la Nasa.


Et le message du truc , c'est quoi ?


Oh ben le Kansas, c'est quand même vachement plus mieux.
Et quand on aura l'anti-gravité, ben on pourra aller jouer au base-ball dans l'espace.
Qu'on ne verra pas, parce que comme décor, on a droit à un village mormon du fin fond du Kentucky, c'est plus cosy sur une station spatiale.


Interstellar, le film sur l'espace que l'espace on s'en branle.


Peut-être que Kubrick en avait un poil trop fait dans le genre, je veux bien, mais là c'est tout l'inverse.
Pour résumer ma pensée :
Gravity (pour ne pas le citer) est un très grand film sur l'espace, Interstellar est un (très grand?) film sur les casques de cosmonautes.
Avec des robots sympatoches, c'est vrai, mes seuls sourires du film.
Quand je cessais de baver.

Et faut VRAIMENT que les Américains arrêtent de regarder le Magicien d'Oz en boucle, merde.

 

(1) à titre d'info, le Guéridon est l'homme plein de courage, de grâce et d'abnégation qui me fait la joie de partager mon quotidien et mes nouilles au beurre.

Publié dans BadtasteReich

Partager cet article
Repost0

Tu sais que tu es un écrivain quand...

Publié le par Jeanne-A Debats

Cette semaine, c'est la talentueuse Nathalie Dau qui nous fait l'honneur !

Tu sais que tu es un écrivain quand...

Quelques oeuvres marquantes :

Romans

    Chroniques des Terres Mixtes, roman feuilleton publié au rythme d'un chapitre par numéro dans la revue Mythologica, éditions Mythologica, à partir du numéro 1 (novembre 2013).

    La Somme des Rêves, éditions Asgard, 2012.

    Les Débris du chaudron, éditions Argemmios, 2008.

    Bleu puzzle, éditions Tacussel, 1991.

Recueils de nouvelles

    Tangram, éditions Black Coat Press dans la collection Rivière Blanche, 2013

    Contes myalgiques 2 : les atouts du diable, éditions Griffe d’Encre, 2010.

    Contes myalgiques 1 : les terres qui rêvent, éditions Griffe d’Encre, 2007.

Partager cet article
Repost0

L'Héritière1

Publié le par Jeanne-A Debats

Visitez les ombres de la Ville-Lumière...

Parution le 2 octobre.

Et en souscrivant avant le 20 septembre, recevez un exemplaire dédicacé du petit guide du surnaturel parigot * !!

 

* (Tête de veau !)

(L'ancien immeuble du journal "l'Aurore", rue Montmartre)

(L'ancien immeuble du journal "l'Aurore", rue Montmartre)

"— Qu’est-ce qu’il y a ? demandai-je,  surprise.

— Cet immeuble a été construit sur un ancien cimetière, je crois que tu auras du mal à passer… Même si on y a enseveli Molière dans un premier temps, avant de le transporter au Père-Lachaise, puis au Panthéon… Il a beaucoup voyagé, une fois mort, cet homme.

De loin, je considérai le bâtiment, il avait l’air inoffensif, mais les fantômes ne sont jamais où on les attend.

— Comment sais-tu tout ça ?

— Ne suis-je pas l’Archiviste ?

Il me fit une très belle révérence.

— Plaisanterie mise à part, cet endroit est un ancien territoire de Meute, figure-toi. Nous l’avons abandonné après la Commune, enfin au début du siècle. Trop de morts et de mauvais souvenirs… Sans compter la politique urbaniste de Paris qui pousse nos troupes de plus en plus vers la banlieue.

— Hein ? La mairie de Paris chasse les garous ?

Il s’esclaffa :

— Pas vraiment, non ! Tu connais le prix d’un loyer dans le coin ? Avant, c’était le pied de la butte Montmartre, on y trouvait surtout des ouvriers. Maintenant, tu dois pouvoir compter sur les doigts de la main les prolos qui habitent ici. Quant à l’immeuble, il a appartenu à l’un d’entre nous qui dirigeait le journal L’Aurore vers 1890, ça te dit quelque chose ?

Je contemplai à nouveau l’autre côté de la rue, avec respect, cette fois :

— Alors, c’est là que Zola a écrit « J’accuse » pendant l’affaire Dreyfus ?

— Exactement, belle dame ! C’est pourquoi je suis sûr qu’il doit grouiller de fantômes horribles !

Je le regardai, soupçonneuse :

— Tu n’es pas en train de me raconter que Zola était un garou, dis ?

— Oh, non ! Pas lui ! Par contre, sa femme Alexandrine sans aucun doute. "

 

(To be continued )

 

Partager cet article
Repost0

Jingle Hells (track five) (and well, this is the end)

Publié le par Jeanne-A Debats

Jingle Hells (track five) (and well, this is the end)

Karl ressurgit sur ces entrefaites. Il avait les yeux rouges et il haletait. Il puait aussi, une véritable infection qui se rajoutait aux remugles d’hémoglobine et de fèces.

- Ouais, je l’ai vu aussi, ce putain de film. On peut mettre une clone en cloques, vous croyez ?
- Une clone en cloques !

Kévin se marrait carrément, mais le torse jaillit à son tour et lui coupa le sifflet. Alphonse se mit à genoux les mains en coupe pour récupérer l’enfant avant qu’il touche le tissu infâme du matelas. Le clocher commença à égrener minuit. Un coup. On vit le sternum. Trois coups. Le haut du ventre. Six coups. Il y eut une pause. Neuf coups. La fille se mit à hurler, je ne pouvais rien pour elle. Dix coups. Les hanches tentèrent de passer. Onze coups. Le hurlement se mua en rugissement d’agonie. Douze coups. Alphonse réceptionnait le gamin.

Juste dans les temps.

- C’est un garçon, annonça-t-il à la mère qui ne réagit pas.

Elle ferma seulement les paupières. Définitivement. Et sous leurs yeux exorbités, son corps commença à se désagréger. En douceur, d’abord, puis de plus en plus vite, avant de disparaître tout à fait dans un nuage de poussière noire.

Je n’aime pas laisser de traces inutiles, même quand ce ne sont pas les miennes. Et consolez-vous, elle n’était pas tout à fait humaine. Ni même autre chose.

Les quatre hommes poussèrent un soupir. Comme s’ils hésitaient à respirer.

- Il s’est passé quoi, là ? tempêta Alphonse. Personne accouche aussi vite que ça !

La situation lui avait totalement échappé à un moment donné et il avait horreur de ça. Ça lui rappelait de mauvais souvenirs, aurait-on dit. À côté de lui, Kévin soupira à nouveau avant de répondre :

- Une clone, dit-il lentement. Pi, z’avez entendu l’heure ? L’est minuit, pile. Une clone, c’est pas vierge, normalement ?
- C’est de StarWar que tu causais tout à l’heure ? demanda Kamel dépassé.
- Pas StarWar, bordel d’arabe à la con ! La bible ! rétorqua l’autre, indigné.
- Tu sais où tu peux te la foutre ta putain de bible ?

Alphonse qui intervint avec une tranquillité pédagogique qu’il était loin de ressentir :

- Ouais, j’aimerai bien savoir où ton pote (Tout en parlant, il nettoyait le nouveau-né avec ce qui restait d’eau tiède.) peut se carrer un des premiers livres saints de l’Islam…

Les deux autres gloussèrent bêtement.
Moi aussi.

Kamel, mouché, se tut et parut plongé dans des abimes de perplexité. Alphonse n’insista pas, secoua la tête avec une pitié consternée et se contenta d’ajouter :

- J’ignore ce qu’ils magouillent dans ce centre, mais je vous conseille de vous en tenir le plus éloignés possible.

Je trouvais l’instant particulièrement bien choisi pour provoquer une autre étincelle dans les circuits de la chaudière du bâtiment dont il était question. Il n’y avait pas que mes quatre séides involontaires que je voulais tenir dans l’ignorance. Les nouveaux proprios de la maternité, une branche techno d’une secte particulièrement démente, n’avaient aucun besoin d’apprendre que j’avais repris un de leurs plans ultra-secrets à mon compte. Au vu de leur réaction, on va dire excessive, lorsque la clone leur avait échappé, ils étaient capable de faire pareil pour mon nouveau projet qui, pour l’heure, vagissait au creux des bras d’Alphonse, ce dernier l’ayant emmailloté à regret dans son perfecto.

- Oui, m’sieur, murmurèrent les trois abrutis en chœur.

Pendant ce temps, le feu se propageait dans la cave du centre et avant la fin de la nuit, il n’en resterait que des parpaings noircis.

- ‘Trouvez pas qu’il est plus gros que tout à l’heure ? demanda soudain Karl, qui les yeux plissés, scrutait le bébé.
- Il a même beaucoup plus de tifs, j’ai l’impression… hésita Kamel.

Alphonse déposa l’enfant en hâte sur le matelas déserté et le considéra avec inquiétude. Pas de doute, il grandissait à vue d’œil. Ses petits membres se tordaient mollement sur le coton passé et s’allongeaient comme des tentacules roses.

- C’est pas normal ! couina Kévin.
- Non, tu crois ?

C’était Kamel qui, toujours vexé par le coup de la bible, en profitait pour reprendre l’ascendant sur ses potes.

- On se tire ! Ça sent vraiment mauvais maintenant ! continua-t-il.

Et avant qu’Alphonse ait pu articuler un mot, les « K » s’enfuirent sans demander leur reste, le laissant seul avec l’enfant qui continuait de grandir, grandir, grandir...

- Et merde ! jura Alphonse pour lui-même.

J’eus pitié de lui et stoppai momentanément la croissance à trois ans à peu près. Je décidai de faire ça la nuit, désormais. Genre, cinq mois par semaine. Le marmot s’agenouilla maladroitement pour tendre ses bras potelés vers le vieil homme. J’en rajoutai une louche sur la chair de poule et les frissons, Alphonse ne put résister et prit le petit garçon contre lui.

- Qu’est-ce que je vais raconter à Déborah, t’as une idée ? grogna-t-il à l’adresse du garçonnet qui lui sourit sans répondre.

Les cloches sonnèrent la demie de minuit, les yeux du bambin luisirent brièvement d’un éclat rubis que je connaissais bien pour le croiser tous les jours dans le miroir. Alphonse soupira et carra ses vieilles épaules en se redressant. Allons, c’était le jour de Noël ! Ce jour-là, moins encore que les autres, on n’abandonne pas les orphelins dans les poubelles.

D’où qu’ils viennent.
Et ça m’arrange.

Ne vous inquiétez pas, il sera adulte et en possession tous ses pouvoirs d’ici décembre prochain.

Joyeux réveillon 2012 !

Publié dans Nouvelles

Partager cet article
Repost0

Super Fandom contre Mister Bid

Publié le par Jeanne-A Debats

À mon cinquante-millième visiteur passé hier soir discrétos sans se faire annoncer, je dédie cette création purement fandomique...

The bid of the revenge of the daughter of Fu Manchu VS Super Fandom ) (Aka GB in the real life)

The bid of the revenge of the daughter of Fu Manchu VS Super Fandom ) (Aka GB in the real life)

Publié dans Fandom et Parpadelles

Partager cet article
Repost0

Var, mâtin quel journal !

Publié le par Jeanne-A Debats

Et merci au journaliste de Var matin

.

Var, mâtin quel journal !

L'interview intégrale

"Interview Jeanne-A Debats pour la la fête du livre du var

Jeanne A-Debats, votre roman Pixel Noir est en lice pour le prix des lecteurs de la Fête du livre du Var. Vous qui accumulez les prix depuis cinq ans (notamment pour La Vieille Anglaise et le Continent), accordez-vous toujours de l’importance à ces distinctions ?

Cela dépend de la distinction surtout. Ce sont les prix qu’a récolté la Vieille Anglaise qui m’ont définitivement mis le pied à l’étrier en littérature, je leur en suis profondément reconnaissante. Par conséquent, je ne mépriserai jamais ces choses-là, bien que je préfère désormais recevoir des prix de lecteurs plutôt que de professionnels (dont je fais partie puisque je suis membre du jury du prix Julia Verlanger, prix doté qui récompense chaque année un roman de SF adulte) : l’écrivain est seul au travail, et hors l’éditeur et les ventes, les prix des lecteurs sont les uniques retours tangibles du fait que son œuvre est appréciée. C’est un grand cadeau qui nous est fait.

Vous enseignez les langues anciennes et vous écrivez de la science-fiction. N’est-ce pas contradictoire ?

Au contraire, les civilisations antiques, les Grecs surtout, étaient très attachées à la teknhé et à l’épistémé, le comment et le pourquoi des choses. C’est en Grèce au sixième siècle avant JC que nait l’esprit scientifique, les premières tentatives de démarches rationnelles, de recherches avec l’école de Milet à laquelle appartenait le grand Thalès, de sinistre mémoire pour nos collégiens.
Je connais au moins 3 professeurs de lettres classiques écrivains de SF : Javier Negrete, Pierre Stoltze et Simon Bréan (bien que ce dernier soit plus orienté vers l’étude universitaire du genre que vers l’écriture elle-même avec son Histoire de la Science-fiction Française).
J’ai d’ailleurs participé en collaboration avec de nombreux autres spécialistes à l’élaboration d’un ouvrage de référence en pédagogie, édité dans votre région – à Nice plus précisément – « Science-fiction et didactique des langues» aux éditions du Somnium.
Niché qu’il est, entre la mythologie et la tekhné, un professeur de lettres classiques tombe forcément dans la science-fiction à un moment donné de son parcours personnel.
Ou alors, je ne suis pas sans penser qu’il a raté quelque chose…
Ne serait-ce que parce que « Felix qui potuit rerum cognoscere causas ».
(heureux celui qui connait la cause secrète des choses ).

Comment les Grecs ou les Romains imaginaient le monde de demain, ressemble-t-il à celui qu’ils croyaient se dessiner un jour ?

Les Romains étaient essentiellement des ingénieurs, des avocats, des agriculteurs et des soldats, ils oeuvraient pour un meilleur confort de vie quotidienne, un empire éclairé et efficace, témoins leurs routes, leurs bains, leur voirie ; l’épistémé et la tekhné n’était pas vraiment leur problème, mais c’étaient des champions de la praxis, la pratique des choses.
Quant aux Grecs, ils étaient fascinés par ce que nous appellerions de nos jours la recherche fondamentale.
Ces deux peuples bâtirent autour de la méditerranée un mode de vie qui après son effondrement ne recouvrera un confort équivalent pour la majeure partie de ses concitoyens qu’à partir de la seconde moitié du vingtième siècle si l’on considère l’Europe dans son ensemble (il y eut quelques enclaves de bien-être ici et là, au cours des siècles, notamment la domination mauresque sur l’Espagne, que sa reconquête fait à nouveau basculer dans un âge sombre d’intolérance et d’oppression). Ils n’envisageaient pas l’avenir de la même façon que nous, notamment la notion de progrès sociétal ou technologique parce que leurs manières de penser n’étaient absolument pas judéo-chrétiennes, ni marquées par une scholastique chrétienne. (À savoir que le monde n’était pas censé finir par l’apocalypse, par exemple.) Bizarrement peut-être, le fait que l’univers ne soit pas appelé à disparaitre rendrait la vision de l’avenir totalement différente. En évacuant la notion de chute, on évacue très facilement celle d’ascension ou tout simplement de futur. Pour eux, le monde futur pouvait bien ne pas être très différent de leur monde contemporain appelé à durer toujours. Il est d’ailleurs un très grand roman d’un écrivain américain Robert Silverberg qui répond au titre de Roma Aeterna qui rend assez bien compte de cela à la marge de son propos principal.

Comment vient-on justement à la science-fiction ?

De facto, je suis tombée dedans quand j’étais petite. Mon grand-père était un grand fan du genre, mais un fan honteux. Il cachait ses livres dans sa vieille cantine militaire.
Ma grand-mère était professeur de lettres, ancienne manière. Elle méprisait le genre, au-delà de tout et même pire. Elle jetait les livres de son époux si elle tombait dessus par hasard ou entrait dans de fulminantes et saintes colères.
La littérature de genre représentait à ses yeux une abomination culturelle à étouffer dans l’œuf. Le polar noir trouvait tout juste un semblant d’indulgence devant elle par ses côtés politiques évidents et ses regards vers la tragédie grecque. Elle me confiait donc les classiques qui ont enchanté mon enfance pendant que son époux me refilait en douce « ses » propres classiques, de SF ceux-là. J’ai dévoré les deux avec une égale ferveur, ne voyant pas où était le problème.
Je me souviens surtout de mes premières sueurs froides devant une nouvelle de Belknap désormais classique, elle aussi : les Chiens de Tindalos qui m’empêcha de dormir, noyée d’une fausse terreur délicieuse tout un été.
J’ai sans doute choisi la science-fiction à la toute fin parce que ma famille idolâtrait la littérature classique en général et qu’ils pouvaient être canulants avec ça. En SF, n’y connaissant rien, ils m’ont laissée tranquille.

Pixel Noir met en scène un adolescent plutôt mal dans sa peau, voire même malheureux. Est-ce qu’à cet âge-là, on est toujours condamné à être comme cela et où avez-vous puisé la matière pour décrire si bien votre héros ?

Je ne pense pas que ce soit une condamnation, mais la promesse de l’avenir. L’âge des excès nous apprend tant de choses. Nous faisons tant de bêtises qui vont former l’adulte que nous serons. C’est une période forcément dangereuse et angoissante parce que nous cherchons qui nous sommes, nous décidons qui nous serons. Je continue à l’observer attentivement chez mes enfants ou mes élèves avec un émerveillement ambigu chaque jour : heureuse de les voir grandir, changer, inquiète de leur avenir, et… terriblement soulagée de n’être plus à leur place !

Dans ce monde futuriste que vous décrivez, l’enfant et sa mère dialoguent plus en langage virtuel que dans la réalité. Est-ce que c’est une loupe grossissante du monde d’aujourd’hui ?

En tout cas, ces deux-là dialoguent plus et finalement mieux que les parents et enfants moyens que je connais. Je ne crois pas que le mode de communication soit un problème dès lors qu’il y a communication. Les nouveaux médias offrent seulement une plus grande facilité aux échanges. Qu’importe si Pixel et sa mère correspondent par sms ou conversation virtuelle pourvu qu’ils SE parlent.
À condition de communiquer vraiment, mais là c’est l’auberge espagnole, on reçoit ce qu’on apporte.
Ceux qui ne communiquent pas bien dans la vraie vie, y trouvent parfois l’écrin nécessaire à l’expression de leur individu qu’ils n’auraient pu trouver ailleurs (Un sourd, par exemple, ne l’est pas sur internet, un autiste, ou un handicapé qui ne peut pas sortir facilement). Il y a des dérives bien sûr, mais ce sont les gens qui créent ces dérives. Ils commettraient les mêmes au café du coin.
C’est aussi ma vision des réseaux sociaux à l’échelle de la planète.

D’un cocon à des écrans, d’un espace virtuel à des systèmes qui manipulent les humains, le monde que vous imaginez a-t-il une chance de voir le jour… ou bien n’existerait-il pas déjà un peu ?

Dans mon livre, ce ne sont pas les systèmes qui manipulent les humains, mais bien les humains qui manipulent les systèmes pour asservir d’autres humains. 1984, le roman bien connu, de Georges Orwell semble lu comme un manifeste contre les technologies utilisées par Big Brother. Mais ces technologies ne sont pas coupables de leur usage délétère, ce sont les humains qui les pervertissent. Un marteau peut servir à planter des clous et construire une maison, on peut également l’utiliser pour fracasser un crâne.
Quel que soit le maquillage technologique que prend l’oppression humaine sur les autres humains, c’est la même oppression depuis l’aube des temps, les ficelles sont absolument semblables : l’abdication du libre-arbitre et de l’esprit critique en échange d’une illusoire sécurité. Nous avons appris à résister à celles d’antan, souvenons-nous en pour résister à celles de demain.
Dans Pixel Noir, la technologie présentée pourrait être extrêmement bénéfique et servir aux malades comme aux valides. Elle ne devient nuisible que parce qu’elle a d’abord été modifiée par des incapables sans doute engagés à moindre coût en lieu et place de vrais spécialistes, comme cela arrive si souvent, et qu’ensuite elle sert les desseins d’un dictateur en herbe.
Est-ce une raison pour renoncer à cet espace virtuel ? Ça n’est absolument pas mon propos. Mon propos c’est de dire « De la même façon que vous ne laisseriez pas un adolescent se balader avec une tronçonneuse dans son lycée, vous devez surveiller l’usage de ces technologies. »

Quant à l’existence des espaces virtuels, elle est à peine en dessous de ce que je décris, nous y serons très bientôt et j’ai hâte de voir ça.

Ce qui touche aussi, dans Pixel Noir, c’est votre capacité à parler d’humanité dans un monde de technologies. Vous pensez que cela est (encore) compatible ?

Je ne vois pas du tout où se trouverait l’incompatibilité : ce sont les humains qui ont inventé la technologie. Il n’est rien de plus humain que la technologie qui est le pur produit de la pensée humaine au même titre que l’art auquel elle ressemble par bien des aspects, c’était d’ailleurs l’opinion des Grecs à cet égard.
Cette même technologie nous a libérés bien souvent de nous-mêmes : les femmes savent ce qu’elles doivent d’indépendance à l’invention du lave-linge ou du frigo. Les handicapés la remercient tous les jours lorsqu’ils retrouvent la vue, ou l’usage même partiel d’un membre, sans compter ceux que les nouvelles molécules maintiennent en vie tout simplement.
La technologie pourrait également nous offrir de nouvelles formes d’art (voyez un peu la mutation du graphisme avec les nouvelles technologies informatiques) ou de pensée. Bref, nous permettre simplement d’être encore plus nous-mêmes. Même et y compris en modifiant notre corps pour des raisons autres que médicales, simplement esthétiques par exemple, ou pratiques.
Il faudrait vraiment se débarrasser de Frankenstein, vous savez. C’est une vieille lune qui semble systématiquement condamner l’homme à être dépassé, rendu caduc ou supprimé « par sa création ». J’y ai toujours vu une terreur primitive, tripale, celle du vieillard devant la jeunesse, un discours appris où il faut toujours se méfier a priori de l’étranger, des nouveaux usages, des nouvelles possibilités. On se retranche alors derrière un « ce qui se fait naturellement » illusoire puisque l’homme actuel n’est pas celui qui est sorti des cavernes, il y a deux cent mille ans. Nous nous sommes modifiés nous-mêmes en changeant notre monde. Et moi, femme, professeur et mère, je l’ai déjà dit ailleurs, je pense que chaque seconde qui nous éloigne de ces cavernes est une merveilleuse seconde.
En ceci, je ne partage absolument pas l’avis de mon éminent confrère Alain Damasio qui semble être terrorisé par les possibilités infinies que la technologie pourrait nous offrir de développement vers des voies inattendues, parfois aussi baroques qu’utiles. Il paraît craindre que nous perdions l’essentiel de notre être dans ce qui n’est qu’une émanation concentrée de ce que nous sommes déjà.
L’argument avancé en général pour conspuer la technologie actuelle consiste à dire que nous ne la maîtrisons plus, sommes incapables individuellement de vivre sans, de la remplacer ou de la recréer à partir de rien si besoin (alors que nous maîtrisons a priori le marteau d’un bout à l’autre) (un bâton, une ficelle et hop vous avez un marteau. Essayez maintenant de construire un ordinateur !) Sauf qu’il s’agit d’une simple terreur imbécile de la perte de contrôle dans un monde où de toute façon nous ne contrôlons pas grand-chose (Et déjà, pas le temps qu’il fera demain, ou l’humeur du patron).
Si l’homme se conduit de façon rationnelle, s’il ne mésuse pas de sa création pour opprimer d’autres hommes, l’humanité trouvera sa place au milieu de ses productions. Il se peut même que ce soit cette même technologie qu’on décrie si souvent qui soit l’ultime chance de l’humanité d’échapper à l’autodestruction. Que ce soit en réparant les dégâts que nous les hommes sommes en train d’infliger au monde.
Ou bien, rêvons un peu des étoiles, si elle nous permet de trouver notre voie vers l’espace.
Cela étant, et quoiqu’il arrive, l’humanité est au cœur de mes livres, ce sont mes personnages et leur vie qui m’importent. Ils transportent dans leurs bagages l’essence de leur vie fictionnelle ; la technologie, comme l’art ou l’amour, en fait partie intégralement.

Votre prochain roman sera-t-il pour la jeunesse, toujours de la science-fiction ?
Mon prochain roman est un roman fantastique adulte, il est terminé et paraitra en septembre aux éditions actusf. C’est un roman situé dans un cycle auquel je travaille depuis le début de ma carrière, cycle qui a l’ambition de toucher tous les genres mêmes annexes de l’imaginaire et d’en détourner les codes par l’intermédiaire d’un héros récurrent : le vampire Navarre.
Je dois également absolument terminer un roman adulte « Imajighane » pour ma « maison mère », les éditions l’Atalante, je suis presque aux deux tiers, mais je bloque encore un peu.
J’ai ensuite un projet jeunesse de pure science fiction, mais il n’en est qu’au stade de la rêverie.
En attendant, je fais ce que je fais toujours (car entre autres cordes à mon arc, il m’arrive de faire de l’editing pour les confrères) : je lis et je relis les projets des amis, notamment le merveilleux Bleu Argent d’Olivier Paquet à paraître aux environs de la rentrée aux éditions l’Atalante. Ce roman de science-fiction jeunesse, enfin Young Adult comme dit aujourd’hui, sera une pure merveille. Et je conseille vivement aux prescripteurs du prix de la Fête du Livre du Var d’y jeter un œil pour l’an prochain.

Le monde virtuel que vous imaginez n’est-il pas en réalité cet espace mental qui permet à chacun de nous de s’échapper des soucis du quotidien ?

Même si je crois au pouvoir libérateur de la fiction, je n’en fais pas un moyen d’échapper au monde, mais un moyen de le comprendre. Faire un pas de côté pour regarder les choses sous un angle différent, c’est l’expérience de pensée que propose la Science-fiction. Au final, je suis persuadée que le genre, souvent taxé « d’irréaliste », est au contraire plus proche du réel, plus concerné par le réel qu’aucune autre littérature.
C’est peut-être, sans doute, ce qui éloigne le public de la SF d’ailleurs : la réalité du monde n’est pas si rose ni si simple et la SF transporte du coup la réputation d’être pessimiste et complexe.
(Ce qui est un paradoxe puisqu’elle est tout aussi bien décrite comme un sous genre pour adolescents boutonneux.)
Si je n’avancerai pas que c’est exactement l’inverse sans abuser quelque peu, en revanche, je défendrai l’idée que la SF ne décrit pas des lendemains qui déchantent, elle avertit qu’il est encore temps de les éviter. Je ne vois pas ce qu’on peut trouver de plus optimiste.
Sans compter qu’en général, ce n’est pas demain qu’elle décrit mais aujourd’hui. Robert Heinlein, un grand écrivain de l’âge d’or, disait d’elle qu’il s’agissait de la « pédagogie du réel », l’ensemble de mon œuvre, y compris et surtout en jeunesse, se situe dans cette lignée.
Au même titre que celles de mes collègues préférés : Ayerdhal, Douay, Lainé, Paquet et j’en oublie qui me pardonneront.
Selon Stanislas Lem, un autre grand ancien de la Science-fiction, la SF est la dernière littérature à prendre en charge le discours sur l’humanité ; à ce titre, l’espace mental qu’elle offre est celui de l’expérience, de la recherche, à travers la jubilation et le plaisir de la fiction.


Ce ne sera jamais « seulement » de l’évasion.

Partager cet article
Repost0

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 > >>